Images & Histoires Vendéennes

LA VENDÉE, UN DÉPARTEMENT LAITIER PAR EXCELLENCE : Du bocage Vendéen au marais du nord, en passant par la côte, la plaine et le marais sud, une seule richesse : l’élevage. La Vendée se classait en 1955, au deuxième rang des départements français, par le nombre de bovins avec quelques 425.000 bêtes. On y comptait quatre races principales : La Parthenaise, la Charolaise, la Maine-Anjou et la Normande.À partir de 1890, de nombreuses laiteries coopératives sont créées en voici quelques exemples : La Coopérative de Damvix (Sud Vendée, le 12 mai 1890), Le Mazeau et l’îlle d’Elle (1891), St-Radegonde des Noyers, Maillezais & Champagné les Marais (1892), St-Michel en L’Herm (1893), Nalliers et le Gué de Velluire (1894), Mareuil/Lay et Nieul/Autize (1896), l’Hermenault et St-Hermine (1897), le Langon (1899) ainsi que Le Tail près de la Chataigneraie, et les coopératives de Puyravault, Vouillé-les-Marais, et la Jaudonnière etc… Toutes ces coopératives étaient situées principalement dans le sud du département. Elles pouvaient recevoir et écrémer 30.000 litres de lait journellement. La principale fabrication de ces usines était le beurre, qui était vendu sur Paris, et expédié dans des wagons frigorifiques à partir des gares de Velluire ou de Luçon. À ces coopératives, il faut ajouter les usines dites industrielles comme Fonné à Bournezeau, les Trois Monts à Challans, Sabourin à Montaigu, Perrier à Nesmy, Mériglier à Chantonnay, Elesca et Maille à Luçon, la laiterie de la Brucerie à la Boissière des Landes, Béziau, Auguste Lepetit et ses Fils et Clément Dubois au Poiré sur Velluire et bien d’autres encore… Nous vous invitons à découvrir sur cette page des images et des histoires inédites comme l’histoire du fromage du Curé, fabriqué à Doix par Célestin Guérin. Bonne lecture et bonnes découvertes à tous les passionnés d'images du passé et d'histoire locale. (Marcel Gousseau).

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LES FROMAGES DU CURÉ : Yvette Biré dans l’ouvrage «Au Pays des Colliberts» évoquait parmi les vieux métiers de Doix aujourd’hui disparus, celui de fromager. Elle rappelait notamment l’existence des fromageries Joly, Sacré et Mignonneau dont l’activité s’était poursuivie jusqu’à la guerre1939-1940. La fabrication consistait essentiellement en fromages à croûte rouge, dits de Hollande, et en fromages, dits du Curé. Cette dernière spécialité, purement locale, se perpétua quelque temps au Langon avant de disparaître. Elle devait son nom à un doixerain hors du commun : Célestin Guérin, dont l’histoire mérite d’être contée.

Célestin Guérin était né à Doix en 1844 dans une respectable famille de marchands de bestiaux et de propriétaires aisés. Il appartenait à cette génération de vendéens qui, tel Clémenceau, accueillirent avec enthousiasme les idées républicaines à la chute du Second Empire dans une Vendée restée majoritairement fidèle à l’idée monarchique ou impériale. Son activité de fabricant et marchand de fromages débuta par son mariage en 1872, avec Angélique Boutin, fille de Louis Boutin, fondateur d’une fromagerie à Doix dès 1856 (Peut-être alors située aux Roches), déplacée un temps à Luzay, près Bressuire (1860-1872), et de Fanny Bourassier. Les beaux-parents de Célestin Guérin avaient eu un destin peu commun et devaient souffrir d’une réputation quelque peu sulfureuse auprès des «braves gens» qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux, comme le dit la chanson de Brassens.

doix-85-etiquette-de-fromage.jpg En effet, selon une tradition rapportée par Auguste Mignonneau (lui-même un des derniers fromagers de Doix), Louis Boutin était avant son mariage, jardinier du couvent des religieuses de Charron, et Fanny Bourassier, originaire d’Aigueperse, en Puy-de-Dôme, supérieure du dit couvent… On peut imaginer le scandale que pouvait représenter dans les années 1850 à Doix, l’existence d’un tel couple et la réprobation morale dont il devait être entouré ! Autant dire qu’il ne fréquentait pas l’église et que l’anticléricalisme de leur gendre trouva chez eux un terrain d’élection pour s'épanouir.

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Car Célestin Guérin n’était pas tendre avec le clergé local. Lors de la prise de fonctions du curé Griffon en 1884, alors que la population catholique accueillait avec ferveur son nouveau pasteur, cavaliers en tête, Célestin mobilisait les ouvriers de sa fromagerie pour faire une contre manifestation avec le drapeau tricolore !On raconte qu’il commanda une messe un jour de 14 juillet pour le salut de la République mais qu’il se vit essuyer un refus catégorique de la part du desservant… Les bâtiments nouvellement construits de sa fromagerie, situés au bourg au fond de la rue du Puits et dont une partie subsiste toujours, notamment des caves voûtées dansl’ancienne boulangerie Sacré, étaient truffés d’ornements rappelant ses convictions républicaines (Un buste de Marianne dans une niche, des drapeaux tricolores et des devises maçonniques inscrites en plusieurs endroits, comme celle-ci : «De l’instruction naît la grandeur des peuples». Comble de la provocation antireligieuse: un escargot de terre cuite vernissée au faitage du toit dressait ses cornes vers l’école privée des Sœurs et sa statue de Saint-Joseph.

Célestin Guérin devait encore défrayer la chronique locale par son divorce en 1885 (une première dans la commune) et son remariage en 1890 avec une Suissesse de Neufchâtel. Le Maire Bonnet refusant de célébrer cette union par conviction religieuse fut révoqué de ses fonctions pour la circonstance et remplacé par un membre républicain «égaré dans le conseil municipal» en l’occurrence Benjamin Chartier-Sagot (mon bisaïeul). Ce deuxième mariage et des difficultés économiques entrainèrent le départ de Doix de Célestin Guérin qu’on retrouve en 1892 représentant de commerce à Nantes, avant d’en perdre la trace.

Sa fromagerie reprise par la famille Sacré-Gaudin continua la fabrication des fromages de Hollande et du Curé dans les locaux du bourg, jusqu’à leur transformation partielle en boulangerie. Le choix du nom «Fromages du Curé» marque déposée le 19 mars 1885, au greffe du Tribunal de Commerce de Fontenay-le-Comte, n’était donc pas le fruit d’une vieille recette ecclésiastique. Il résultait de la volonté d’un homme qui certainement avec humour voulait donner à ses concitoyens la possibilité de «bouffer du curé» à une époque où la République et l’Église se détestaient cordialement. [Daniel Barreaud, Maire de Doix]

Ce document et cette étonnante histoire sont une contribution de Marcel Gousseau.

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Dans son livre «Les Laiteries de la Vendée» paru en 1961, Jean Lartaut, nous rappelle que la Vendée n’a jamais été une grande région viticole, et que la crise phylloxérique n’explique pas la place importante prise par la coopération, car l’élevage des vaches laitières tenait déjà une place importante dans les exploitations agricoles vendéennes vers 1870. À Nieul-sur-Autize, en 1894, le Vicomte de Bresson réussit à faire admettre aux producteurs de sa commune l’idée que le travail du lait en commun est plus avantageux que la fabrication individuelle du beurre. Pour les fermières qui avaient en charge la traite des vaches, et qui passaient de longues heures à remuer la crème dans des récipients fort éloignés des barattes actuelles, c’était pour elles une diminution sensible des pénibles taches quotidiennes, une économie de temps, et un apport plus régulier d’argent. Sur cette photo, une fermière effectuant la traite des vaches à l'étable… 

 

 

  

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En Vendée, jusqu'à la Grande Guerre, un ramasseur de lait pouvait être indépendant, c'est-à-dire qu'il faisait ses tournées, livrait le lait à la coopérative locale, sans être le salarié de celle-ci. Dans le département, chaque agriculteur possédait en moyenne 4 ou 5 vaches. La vente et le ramassage du lait pouvaient constituer une source de revenus non négligeable; Remarquez sur la photo de gauche la taille des bidons (contenance 200 litres). Les quantités ramassées étaient notifiées dans le carnet personnel du producteur... Notre promenade vendéenne continue... en bateau...

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De nos jours, ceux d'entre nous qui vivent encore à la campagne, connaissent certainement ces gros camions citernes qui sillonnent nos routes étroites, ramassant le lait dans les fermes, avant de le livrer aux laiteries le plus rapidement et dans les meilleures conditions sanitaires possibles.Certains d'entre  nous, ont connu aussi les ramasseurs avec leur charrette à cheval, remplie de bidons de lait. Cependant, rares sont les témoignages qui nous parviennent de cette activité qui consistait à collecter les bidons de lait par petits bateaux dans le marais Vendéen. Dans ce secteur sud du marais mouillé, les petites laiteries étaient nombreuses et proches les unes des autres. Ce sont principalement les coopératives de Maillezais et le Mazeau qui utilisaient ce mode de transport, preuve que la matière première blanche était très recherchée. Sur la deuxième photo couleur de droite (haut), on reconnaît de gauche à droite, Monsieur Stéphan Lamberton (Damvix), Monsieur Choupeau (l'homme au béret) et Mr. Jacques Chamard (Damvix) ... l'homme en short.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 30/03/2020