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Matha dedicace

De la crise du phylloxéra à la création de la première coopérative laitière en passant par l’éclosion de la laiterie de Matha en 1887 jusqu’à la nouvelle Union Charente-Lait et la cessation d’activité en 1984, ce livre nous raconte la centaine d’années de vie de cette structure coopérative. La coopération est une école de démocratie qui vise à former des hommes responsables et solidaires. Liberté et responsabilité sont les mots clés pour les coopérateurs et les mutualistes. Saint-Exupéry ne disait-il pas : « Faites bâtir une tour aux hommes et vous en ferez des frères ». Tout ne s’est pas passé sans mal : conflits, séparations, divergences, difficultés conjoncturelles, intervention de l’Etat... Ne disait-t-on pas, certes avec ironie, que notre département possédait une laiterie par commune !
Mais laissons place au joli souvenir de la mathalienne Jacqueline Fortin : « Le matin, de bonne heure, nous entendions les voitures de laitiers avec leurs chevaux descendre au pas pour se rendre à la laiterie et nous les voyions remonter vers 12 heures. Parfois, assis dans le porte-fainéant ou dans la voiture bâchée, les laitiers semblaient dormir et être conduits par le cheval. Quand nous entendions le bruit des bidons et sentions les odeurs de la porcherie, c’était signe d’eau...»   Michel Teodosijevic.

FROMAGERIE DE SAINTE-GAUBURGE (ORNE 61) par Gérard Clouet.

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À la fin des années 1910, Léonce Abaye (1820-1913), ancien industriel du textile à Roubaix (59) fondateur de la laiterie du Tremblay à La Goulafrière (27), crée une succursale à Sainte-Gauburge (61) dans les bâtiments d’une ancienne tréfilerie, construits au bord de la Risle. En réalité, la laiterie fromagerie de Sainte-Colombe est située sur la commune d’Echauffour, sur la rive gauche de la Risle, en face de la gare de Sainte-Gauburge au lieu-dit « La Forcière ». Les recensements de 1911 sur ces deux communes confirment son activité puisqu’ils mentionnent que Thomas Lacour comptable et Raphaël Aubry employé de fromagerie, travaillent tous deux pour le compte de la société du Tremblay. Les constructions d’une laiterie, d’une porcherie et d’un garage sont confirmées en 1913. Cette nouvelle installation traite quotidiennement de 5 à 6 000 litres de lait (*1) et produit du beurre et des camemberts. Deux étiquettes peuvent être attribuées à cette fabrique : « Le progrés » dont l’illustration représente un dirigeable survolant un ensemble de bâtiments industriels ressemblant vaguement à ceux de l'usine, et « La vache », sur laquelle s’appuie une normande en coiffe. Il est possible qu’elle ait également employé deux autres marques du Tremblay : « L’Hermitage » dont le modèle a été déposé en 1904 auprès du tribunal de commerce de Bernay &  « Miquette » avec une normande en coiffe.

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Après le décès de Léonce Abaye, ses héritiers vendent en 1914 cette succursale à Antoine Alba (1860-1937). Il acquiert ainsi le fonds de commerce, le matériel et « cinq marques de fabrique de fromage camembert... ». Antoine Alba , originaire du Cantal (15) avait été embauché en 1889 par Léonce Abaye au Tremblay en tant que directeur-comptable. À ce tire, il a eu, un temps, sous ses ordres Jean-Marie Lavalou (*2). En 1909, Antoine Alba est fait chevalier du mérite agricole en tant que « créateur de laiteries et [en raison de ] 21 années de pratiques agricoles » (*3). En 1911, il est recensé en tant que directeur de la fromagerie du Tremblay.

Le couple Alba a 3 enfants, François né en 1888 à Riom-es-Montagne (15), Marguerite et Eugénie nées en 1889 et en 1890 à La Goulafrière. François le fils aîné, est sous-directeur de la fromagerie du Tremblay au moment de son mariage en 1912. Rappelé à l’armée à la fin de l’année 1914, il est envoyé au front en 1915 et sert pendant toute la guerre en tant que sous-officier au sein du 51ème RI de Langres (52). Démobilisé en 1919, il rejoint Lisieux (14) avant de devenir directeur au sein de la Société Laitière des Fermiers Normands. En 1937, il devient administrateur de la société « Établissement Fernand Martin » de Ernes (14)- (*4). Cette même année il est nommé par décret parmi les conseillers du commerce extérieur de la France, pour une période de cinq années (*5).

Gonnard antoine orne france cartes du combattantLeur fille, Marguerite (1889-1975), épouse en 1912 un banquier, Jean Héliès (1886-1945). En 1931, celui-ci assure la direction de la fromagerie des Fermiers Normands à Fresney-le-Puceux (14). Eugénie, la dernière fille, se marie en 1911 avec Antoine Gonnard (1885-1945). À cette occasion, Jean-Marie Lavalou et Charles Lanquetot sont ses témoins. Originaire de Vichy, Antoine Gonnard exerce différents métiers ( limonadier en 1905, employé des chemins de fer de l’État au moment de son mariage, puis dans une scierie à Falaise en 1913). Il réside à Sainte-Gauburge en juillet 1914, au moment de l’acquisition de la laiterie-fromagerie par son beau-père. Il est rappelé en août 1914 et affecté au 139ème RI d’Aurillac. Il est blessé gravement fin septembre 1914 à Richecourt dans la Somme à l’occasion des combats dits de la course à la mer. Une fois rétabli, il est versé dans les services auxiliaires de l’armée. À ce titre lors de la naissance de sa fille Marie en mars 1918 à Sainte-Gauburge, l’acte d’état civil précise qu’il est maréchal des logis à L’Aigle où il occupe les fonctions d’aide contrôleur de la main d’œuvre. Après sa démobilisation en 1919, il rejoint alors Sainte-Gauburge.

Pendant toute la durée de la première guerre mondiale, son fils et ses gendres étant mobilisés, il est évident que Antoine Alba a dû assurer seul la direction de la fromagerie de Sainte-Gauburge. Il modernise le site en créant en 1918 un hâloir et un saloir, puis, en faisant installer une machine à vapeur en 1920. il commercialise les camemberts qui y sont produits sous quatre des marques dont il est propriétaire. À l’occasion, il reprend l’étiquette « Le Progrés », dont le dessin des bâtiments de la fromagerie devient plus ressemblant à ceux de Sainte-Gauburge .

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Au retour de son gendre Antoine Gonnard, Antoine Alba, déjà âgé de soixante ans, lui laisse la direction de la laiterie fromagerie. Les étiquettes passent au nom de Gonnard-Alba. La gare de Sainte-Gauburge toute proche permet d’expédier régulièrement le beurre sur Paris. Alfred Pellodi (1883-1967), qui lui aussi a fait la guerre 14-18, est embauché en 1919 et devient chef fromager. Après plus de 10 années passées à Sainte-Gauburge, il part pour la laiterie Gloria à Carentan. En 1922 Antoine Gonnard acte, pour le compte du couple Alba, l’acquisition de la laiterie-fromagerie Dousson-Devère créée en 1920 à Saint-Evroult-de-Montfort (61). La propriété est revendue en 1924 avec une clause spécifique : « les acquéreurs ou leur ayant cause ne pourront établir dans les immeubles vendus de commerce ou d’industrie de beurrerie, laiterie, ou fromagerie ou autre commerce ou industrie similaire; Toutefois dans le cas où la laiterie de Sainte Gauburge viendrait à ne plus exister, la clause ci-dessus cesserait de produire ses effets».

Retiré des affaires, Antoine Alba est devenu administrateur de la Société Laitière des Fermiers Normands et il entre en 1923 au conseil d’administration de la société qui exploite la tuilerie de Saint-Hippolyte à Mehun-sur-Yèvre (18)-( *6). À la suite de son décès en 1937, ses trois enfants héritent de l’entreprise de Sainte-Gauburge. Dirigée par Antoine Gonnard, elle poursuit son activité. En 1941, il est dans l’obligation d’adhérer au syndicat des utilisateurs de lait et ses dérivés mis en place par l’administration de Vichy (*7).

Pendant toute la durée de l’occupation, les réquisitions effectuées par l’occupant nazi sur nombre de productions, dont le beurre, engendrent des pénuries dont souffrent tout particulièrement les populations urbaines. Nombreux sont les habitants des grandes villes, et notamment ceux de Paris, qui partent en province à la recherche de moyens de s’approvisionner auprès de connaissances, ou pour essayer de trouver des filons pour ramener quelque ravitaillement. Quand une gare facilite ce type de voyage, le recours au marché noir peut devenir une tentation forte. Au printemps 1942, Antoine Gonnard constate des baisses anormales de la production du beurre. Ses soupçons et l’enquête qui s’en suit vont conduire à l’arrestation d’un de ses employés et d’une servante d’un hôtel situé à proximité de la gare desservie par la ligne ferroviaire Paris-Granville. Sorti de l’usine en petite quantité - 6 à 7 kg - le beurre était revendu « à des parisiens de passage ». Ce trafic a porté sur près de 300kg de beurre , revendu sous le manteau 60 francs le kilo (*8). Pour donner une idée du montant de ce trafic, ramené au cours d’aujourd’hui il représente plus de 560 000€.

Après le décès d’Antoine Gonnard en 1945, une S.A. est fondée en 1948 «  la Société Laiterie et Fromagerie de Sainte Gauburge » dont la gérance en est confiée à Lionel Barron. En 1957 c’est La Normandie Centrale de L’Aigle qui prend le relais. Fondée en 1930, cette S.A. commercialise du beurre et des œufs sur Paris. Elle diffuse une partie de ses fromages de camembert et pont-l’évêque sous la marque « Aux duchés de Normandie » qu’elle a déposée en 1932.

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À la fin des années 60, le groupe Préval rachète les marques et en rapatrie la fabrication sur ses usines de la Manche à Sourdeval et Torigny. Les bâtiments sont acquis en 1970 par la société Coopérative Groupement Laitier du Perche puis le site est fermé.

Sources : (*1) Revue générale industrielle, économique, commerciale et agricole P.575 Janvier 1907. (*2) Archives Lavalou AD 61. (*3) JO. 1909. (*4) Le Moniteur du Calvados. 1937-06-09. (*5) L'Ouest-Éclair : 1937-02-26. (*6) Ciment.1923-10. (*7) Le journal de la Ferté-Macé et de l'arrondissement de Domfront. 1941-11-03. (*8) Ouest-Éclair. 1942-07-18

Recherches et rédaction Gérard Clouet 2024 [première publication Camembert-Museum, le 23 novembre 2024]

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Date de dernière mise à jour : 12/12/2024