Laiterie Coopérative d'Echiré, le beurre français d'excellence des Deux-Sèvres (79)

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À l’origine, un certain M. du Dresnay, va créer en 1891, une laiterie dans les dépendances d'une ferme située au bord de la Sèvre niortaise, en plein cœur du village d’Echiré, situé à 10 kilomètres de Niort.

Sous l’impulsion de Louis-Paul-Delphin Sagot et d’un groupe d’agriculteurs, cette laiterie devient coopérative le 15 avril 1894. Le contrôle laitier est établi par M. Sagot, dès 1905, en organisant un concours entre les vaches laitières qui alimentaient la coopérative qu’il dirigeait. Cette même année, la coopérative d’Echiré remporte à l’Exposition Internationale de Liège, le grand prix international pour les beurres. En 1908, suite à la tenue de l’Assemblée Générale Annuelle, les membres du bureau sont réélus presque à l’unanimité des suffrages : M. Célestin Cail (Président), MM. Louis Sicot et Daniel Fichet (Vice-Présidents), MM. Eugène Sagot & Dudger Apercé (Secrétaires), M. Henri Ingrand (Trésorier). La laiterie avait transformé pour l’exercice 1907 la quantité de 2.894.652 litres de lait livré par les sociétaires, et avait produit pour l’année 148.087 kilos de beurre, vendu à un prix moyen de 3f25 le kilo.

Quelques années plus tard, les anciens bâtiments sont abandonnés au profit d'une nouvelle construction, sur la même parcelle, comme l'atteste cette date de 1909, portée sur la clé d'un linteau de fenêtre, par Paul-Antoine Mongeaud, architecte départemental des Deux-Sèvres. 79-Sagot Delphin (photo 01nv)L’inauguration officielle des nouveaux bâtiments a lieu le dimanche 29 mai 1910. On estime le coût de cette magnifique usine et son installation mécanique entre 130.000  et 165000 francs de l’époque. La cérémonie est présidée par M. Paul Rouvier, Sénateur et Président de l’Association Centrale, en présence de M. Aubanel, préfet des Deux-Sèvres, ainsi que de plusieurs notables parmi lesquels on peut citer, Monsieur Disleau, député, vice-président de l’Association Centrale, de M. Dornic, inspecteur des laiteries de l’Ouest, directeur de la station d’industrie laitière et de l’école professionnelle de laiterie de Surgères, de M. Paul Mercier, avocat-conseil de l’Association Centrale, de M. Daire, professeur à l’École de Laiterie de Surgères, des présidents et représentants d’un grand nombre de laiteries de la région, le Syndicat des mandataires aux Halles Centrales était représenté par son vice-président Monsieur Bodard. Plusieurs discours sont prononcés par Monsieur Disleau, Rouvier, Paul Mercier et par Monsieur Cail, président de la laiterie.

79-Sagot Delphin (buste 01nv)En même temps que l’inauguration des bâtiments de la laiterie, avait lieu dans la cour de l’usine, l’inauguration d’un monument élevé par souscription, à la mémoire de Delphin Sagot (1843-1907), propriétaire-agriculteur à Echiré, fils de Paul Sagot, fermier à la Cour-de-Boisberthier, commune d’Echiré, vice-président du Conseil Général, Maire d’Echiré, président-fondateur de la laiterie d’Echiré, ancien vice-président à partir de 1900, de l’Association Centrale des laiteries coopératives des Charentes et du Poitou, qui contribua beaucoup au développement des beurreries de la région ouest, et attacha son nom à de nombreuses œuvres fondées sur la solidarité mutualiste, et la coopération sous diverses formes, Officier du Mérite Agricole.

Le public était aussi admis à cette inauguration. Les techniciens étaient admiratifs de l’heureuse disposition des locaux, et de la perfection des appareils de transformation. Sans oublier la visite des locaux affectés à la coopérative pour le ramassage et la vente des œufs, une activité annexée à la beurrerie et qui fonctionne avec grand succès depuis huit mois. Pour terminer cette mémorable et belle journée, un banquet de 350 couverts, réunissait dans la soirée, tous les amis de la laiterie. Des toasts y ont été prononcé notamment par M. Aubanel, Rouvier, Disleau et Cail.

L’usine est alimentée par la Sèvre-Niortaise, et par une source qui sert également au lavage des beurres. Depuis sa création, l’usine d’Echiré se consacre exclusivement à la fabrication d'un excellent beurre réputé pour sa qualité. Toutefois, elle commercialise aussi de la crème. Avant la première guerre mondiale, le litre de lait était payé toute l’année 15,5 centimes. (1) Le ramassage du lait est fait par les coopérateurs à raison de 6 francs par jour, en un seul passage fait chaque matin. Signalons aussi que le lait était fourni par des vaches de la race Parthenaise. Au Concours spécial de cette race, la vache primée a produit 1 kilo de beurre, avec 13,38 litres de lait. Le nombre de coopérateurs est alors à cette époque de 730 pour le lait, et un peu plus de 600 pour les œufs. A noter que la Coopérative d’Echiré était la première dans le département des Deux-Sèvres, à se lancer en 1909, dans la revente des œufs

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Statuts de la Coopérative des Œufs d’Echiré :

Article 1 : Il est formé entre les cultivateurs et éleveurs de volaille de la circonscription de la Laiterie d’Echiré, et pour une durée égale à celle de ladite laiterie, une Société qui a pour but la vente des œufs ramassés chez les adhérents. Article 2 : Chaque sociétaire devra fournir à la Société tous les œufs qu’il récolte, à l’exception de la quantité nécessaire à l’alimentation de sa maison. Il s’interdit par conséquent la vente des œufs au commerce. Article 3 : Les œufs seront ramassés toutes les semaines, ou plus souvent, si la société le reconnait utile ultérieurement. Ils devront porter le numéro du sociétaire et être classés dans les séries correspondant aux différentes bagues en usage dans les marchés de Paris et de Londres. Article 4 : Les numéros, tampons, anneaux et tous ustensiles uniformes nécessaires à tous les sociétaires seront fournis par la Société. Article 5 : Les œufs seront vendus au mieux des intérêts des sociétaires, soit aux Halles Centrales de Paris, soit en Angleterre, soit à des acheteurs spéciaux. Article 6 : Les sociétaires seront tenus de ne fournir que des œufs frais de la semaine. Les œufs qui seront reconnus par le mireur-emballeur comme n’étant pas frais, seront retournés au sociétaire. En cas de récidive, il y aura amende et il pourra y avoir exclusion de la Société. Le tout prononcé par le conseil d’administration. Article 7 : Chaque adhérent aura un livret sur lequel le ramasseur inscrira la quantité fournie de chaque série. Les œufs retournés seront déduits. La question des œufs roux et blanc sera réglée ultérieurement. Article 8 : Aussitôt la constitution de la Société, des règlements spéciaux seront élaborés pour la livraison des œufs. Ceux qui ne seront pas membres fondateurs seront astreints à payer une mise d’entrée. Article 9 : En cas de dissolution ou de liquidation prématurée de la Société, il sera procédé par les mêmes voies et moyens que ceux indiqués à l’article 33 de la Société de Laiterie. Article 10 : La Société devant commencer à fonctionner au 1er septembre, les adhésions seront reçues jusqu’au 15 août inclus. Article 11 : La Société sera administrée par les membres du bureau et de la commission de contrôle de la Laiterie Coopérative d ‘Echiré. L’Assemblée Générale des sociétaires désignera en outre trois commissaires vérificateurs qui devront chaque année lui présenter un rapport. Le Conseil d’administration désignera dans son sein un Directeur chargé spécialement de la marche des divers services de la Société. Article 12 : Toutes les fonctions du Conseil d’Administration seront gratuites.

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Les Bâtiments et l’Outillage : L’ensemble des bâtiments forment un grand U. Ils abritent la beurrerie, un bureau, un laboratoire et deux logements ; au premier étage de l’usine est installée une grande salle pour les réunions des sociétaires. La laiterie est construite avec chais, deux chaudières horizontales à vapeur indépendantes des deux moteurs, un bassin à lait pour les écrémeuses, deux barattes dites normandes, avec malaxeurs intérieurs, une presse spéciale à beurre, une machine à fabriquer la glace, balances, poids, tables, moules, presses, etc. L’ensemble de l’outil de fabrication est d’une grande propreté. Le nombre d’employés recensés avant la grande guerre était d’environ 35 personnes. Le beurre était expédié à Paris en mottes de 10 kilos et vendu 3 à 4 francs/kilo. Il était vendu aussi à Niort, par quart, demi et un kilo et enveloppé dans un papier spécial ayant comme marque :

« Laiterie Coopérative. Echiré (Deux-Sèvres) Beurre fin garanti pure crème, marque déposée »

En 1922, au Congrès national de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole, la Laiterie Coopérative d’Echiré était représentée par Monsieur Cail. C. (Président), Monsieur Bergeronneau. P. (Vice-Président), ainsi que par Messieurs Godeau, Appercé, Masson et Redien (dont nous ignorons les fonctions au sein de la coopérative).

Selon une étude réalisée en 1923, par l’institut national agronomique, les frais de ramassage du lait pour la Coopérative d’Echiré, située à flanc de coteau, où le terrain est accidenté dans le rayon d’approvisionnement, les dépenses liées à la collecte du lait représentent 50,90 pour cent des frais généraux, ce qui est vraiment énorme et inconcevable de nos jours. A la laiterie de la Crèche, ces frais représentaient aussi, la même année 51,13 pct des frais généraux.

En 1929, La Coopérative d’Echiré était l’une des 44 laiteries des Deux-Sèvres, adhérentes à l’Association Centrale des Laiteries Coopératives des Charentes Poitou, Monsieur Cail, le président de la Coopérative d’Echiré faisait d’ailleurs partie de la commission de contrôle

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En 1932, Echiré compte 500 sociétaires, produit jusqu’à 18000 kilos de beurre par mois, avec environ 2000 vaches laitières.

En 1938, au Concours Général Agricole de Paris, dans la catégorie beurres des Deux-Sèvres, la Coopérative d’Echiré, est récompensée d’un diplôme de Médaille d’Or.

 

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Dans les années 1950, la coopérative d’Echiré est la première de la région à individualiser la collecte de lait en utilisant des bidons.

Dans les années 1970, elle reprend les laiteries de Frontenay-Rohan-Rohan et Beauvoir-sur-Niort. Le lait est fourni par 66 adhérents, dans un rayon de 30 km autour d'Echiré, et la tournée s'effectue chaque jour.

En 1990, les bâtiments sont agrandis une première fois, pour y inclure de nouvelles salles de fabrication, et l’aménagement d’un nouveau bureau. De nouveaux travaux seront entrepris en 2000. Le beurre est toujours fabriqué dans des barattes-tonneaux en teck, ce qui lui assure une texture particulière (pour ce faire, une dérogation lui a été octroyée par la Commission européenne).

Depuis 1994, la laiterie est certifiée ISO 9002. La majeure partie de la fabrication est conditionnée dans des "bourriches" en bois de peuplier, d'une contenance de 10 kg, 5 kg, 500 g, 250 g, fabriquées par BBF emballages. Une partie du beurre est également conditionnée en plaquettes de 500 et 250 g, et, depuis 1996, en petites mottes portions destinées aux grands hôtels. La production est expédiée par camions dans toute la France et en Europe ; 15 % de la production est exportée à l’étranger, dont une partie au Japon et aux Etats-Unis. L'une des barattes a été faite par un artisan d'Echiré, l'autre par la tonnellerie Radoux de Jonzac (Charente-Maritime) ; toutes deux fonctionnent grâce à un mécanisme Alfa-Laval.

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Début des années 2000, une crise conjoncturelle : Novembre 2001, Jean-Michel Renaud (Président) et Claude Chartier (Directeur) présentent lors d'une assemblée générale, les résultats et les perspectives pour l'usine d'Echiré. Les résultats ne sont pas très bons, la demande mondiale est en baisse, et même la France enrégistre une baisse de la consommation de beurre de 6 pour cent. À New York, survenaient les événements du 11 septembre 2001, que tout le monde connaît. Les produits de qualité et de prestige sont touchés un peu plus que les autres. Même la poudre de lait est touchée. La direction se montre cependant optimiste pour l'avenir. Elle maintient le montant de l'aide versée aux producteurs, pour leur engagement dans la charte qualité, à 1,8 centimes d'euro par litre de lait. Autres chiffres intéressants : Durant la campagne 2001-2002, les 66 adhérents ont produits environ 14,2 millions de litre de lait de vache, soit 81900 litres de plus que l'année précédente.

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De nos jours, Echiré doit sa réputation à l’excellence de son beurre, un goût subtil, fin et délicat, d’une élégance gustative unique, reconnue par les gourmands du monde entier. Le beurre d’Échiré, comme celui d’Isigny, bénéficie d’une appellation d’origine contrôlée (AOP). Le lait collecté pour la fabrication de ce beurre gastronomique est garanti sans OGM. Une qualité exceptionnelle, qui fait que ce beurre est présent sur toutes les grandes tables du monde entier. La beurrerie d’Échiré dispose même de deux boutiques au Japon, l’une à Tokyo et l’autre à Osaka. Nous sommes certains que cet excellent produit se retrouvera aussi sur vos tables de fêtes, que nous vous souhaitons des meilleures.

Gousseau Marcel & Serge Schéhadé [Camembert-Museum, le 17 décembre 2017]

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 06/11/2021