Laiterie d'Onzain (41)

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LA LAITERIE D’ONZAIN  par Gérard Steinmetz.

Au début des années 1900, Onzain était un bourg très animé avec de nombreux commerçants, artisans, agriculteurs, vignerons….Les emplois industriels ne manquaient pas car la laiterie, les scieries et la balaiterie avaient besoin de main d’œuvre locale. Quel Onzainois n’a pas dégusté l’un des nombreux produits élaborés au sein de la laiterie : camembert, fromage blanc, beurre ? Qui parmi les anciens Onzainois n’a pas eu un parent, un voisin ou un ami travaillant à la laiterie ? Ce fleuron de l’économie locale a fait vivre de nombreuses familles d’Onzain et des environs pendant plus de quatre-vingts ans.

I- POURQUOI UNE LAITERIE À ONZAIN ?

En 1911, Paris est une ville qui s’agrandit et qui ne produit plus son lait dans les fermes des villages environnants (Vanves, Vaugirard…). Le lait doit donc être ramassé dans des régions d’élevage et transporté rapidement vers la capitale. Des laiteries en gros collectent le lait et le distribuent aux crémeries parisiennes. Onzain possède plusieurs atouts, ce gros bourg se trouve dans une région d’élevage, un pont enjambe la Loire ce qui permet une zone de collecte plus large, un puits peut être creusé sans difficulté pour obtenir l’eau nécessaire au nettoyage des bidons et surtout Onzain a une gare qui dessert directement Paris. Les bidons étaient chargés sur des wagons et partaient le soir même en direction de la capitale.

II- LES PREMIERS BÂTIMENTS :

La Société des Fermiers Réunis achète un terrain situé avenue de la Gare, il borde en grande partie la Cisse. En 1911, un architecte dresse les plans des deux bâtiments qui constitueront la laiterie. Une canalisation évacuera dans la rivière les eaux qui auront servi au lavage des bidons. La construction s’effectuera entre 1911 et 1912. Le bâtiment nord sera dévolu essentiellement aux chevaux avec une grande écurie et des remises pour les charrettes. Quant au bâtiment sud, il accueillera le quai de déchargement, la laiterie proprement dite et une maison d’habitation. Dans la cour, un puits sera creusé pour puiser toute l’eau nécessaire au bon fonctionnement de cette industrie. La grande cheminée de la laiterie évacuait la fumée d’une chaudière qui servait pour la pasteurisation (processus découvert par Louis Pasteur, c’est une stérilisation par chauffage du lait à 82° pendant 30 secondes). L’eau chaude nécessaire au lavage des nombreux bidons était également produite par cette chaudière.

Un plan de 1913 destiné à une demande d’éclairage à l’acétylène montre quelques changements dans l’attribution de certains locaux. Le bâtiment nord se verra doté d’un poulailler et d’une porcherie, non prévus au départ, ils remplaceront l’infirmerie (F). Dans le bâtiment sud, une caséinerie remplacera la forge et le dépôt d’huile (A et B). La caséine ou « plastique de lait », principale protéine du lait, obtenue par caillage du lait écrémé était employée pour la fabrication de boutons, boucles, aiguilles à tricoter, bijoux, pots… Une fosse septique sera installée et vidée régulièrement pour réduire les rejets dans la Cisse.

Onzain-41 Ramasseurs de lait

Ci-dessus, une photo non datée des employés de la laiterie avant la seconde guerre mondiale.

III. LE TRAVAIL QUOTIDIEN DES RAMASSEURS DE LAIT

Je vais illustrer ce dur labeur à travers diverses cartes postales. Le travail effectué en Normandie, en Charente ou dans la Brie ne devait pas être très différent de celui des travailleurs onzainois.

Il devait y avoir deux tournées de ramassage du lait en été et une seule en hiver. Le lait était collecté dans de nombreuses fermes situées dans un rayon de 20 kilomètres, zone soumise aux capacités des chevaux employés. Le matin, en toute saison, par tous les temps, les hommes partaient chacun avec une voiture ramasser le lait des fermes, même les plus isolées. « Fatigué, transi de froid, l’employé laisse aller son cheval qui sait par habitude et s’arrête de lui-même devant les fermes » décrit Henry de Monfreid. En hiver, ces tournées matinales, entièrement nocturnes devaient être très pénibles.

Souvent, le fermier allait le soir mettre ses bidons pleins au bout du chemin. La collecte se faisait le matin de bonne heure pour éviter les fortes chaleurs. Le ramasseur passait de ferme en ferme et notait dans son cahier la quantité de lait récolté en se servant d’une jauge. Chaque pot était marqué pour en connaitre la provenance et vérifier la qualité car le lait était payé au fermier en fonction de sa teneur en matière grasse. Pour avoir du bon lait, il fallait veiller à la propreté du personnel, de l’étable, des animaux, des bidons et refroidir le lait au plus vite pour éviter les maladies telles que typhoïde, diphtérie, dysenterie ou diarrhée infantile. Des campagnes de lutte contre la tuberculose, véritable fléau, étaient ménées. Les étables devaient être indemnes de cette maladie.

Il fallait maîtrise l’attelage qui s’alourdissait au fur et à mesure de la tournée. L’hiver, le maréchal-ferrant mettait des clous à glace aux sabots des chevaux. Le ramasseur devait ensuite retourner à la laiterie pour décharcher tous les bidons. Les tournées étaient conçues de façon à ce que les retours soient échelonnés afin d’éviter une trop longue attente devant les quais de déchargement. Le lait était ensuite pasteurisé et les bidons soigneusement lavés. Après la pasteurisation, une importante quantité de bidons de lait est expédiée en train à Paris.

Dans des documents relatifs à l’électrification de la ligne Orléans-Tours en 1933, il est mentionné une expédition moyenne de 500 tonnes de produits laitiers par an à la gare d’Onzain. Entre les deux guerres, la campagne française est en pleine mutation, les grandes fermes de Beauce suppriment les troupeaux car les vachers coûtent trop chers. Ce phénomène touche peu Onzain, le Val de Loire, la Sologne et le Gatinais car dans ces régions, les exploitations sont plus petites et une main d’œuvre familiale s’occupe des quelques vaches de la ferme (huit en moyenne).

Une déclaration d’accident de travail – coup de pied en soignant un cheval- confirme qu’en 1931, le ramassage se faisait encore avec des chevaux pour le compte de la Société des Fermiers Réunis. Beaucoup d’autres accidents de travail, plus ou moins graves, se sont produits à la laiterie : morsure en étrillant un cheval, fracture de la clavicule sur le quai des marchandises de la gare en manipulant des bidons, blessure au genou provoqué par un couvercle de bidon.

IV. UNE PÉRIODE DIFFICILE : 1939 – 1945

Le pont enjambant la Loire entre Onzain et Chaumont-sur-Loire est détruit en juin 1940 ce qui oblige les ramasseurs à effectuer un grand détour par Blois pour assurer la collecte des fermes situées au sud de la Loire. Autre solution, emprunter le bac mais le nombre de bidons embarqués est fort limité. Une passerelle provisoire en bois sera construite en 1951 mais le tonnage transporté doit être faible.

Onzain-41G le Pont

Une passerelle provisoire en bois sera construite en 1951 mais le tonnage transporté doit être faible.

Je n’ai pas trouvé la date exacte du début du ramassage du lait par camion, 1935 ? 1940 ? par contre, j’ai relevé dans le registre des accidents du travail, en janvier 1945 : un ramasseur de lait est blessé à la tête par la chute du capot de son camion en voulant le mettre en route. Et en mai 1946, capotage d’un camion suite à un incident mécanique de la direction à Villelouet (Chailles). Pendant la guerre, la quantité de lait collecté baisse fortement malgré les incitations du gouvernement. Les fermiers doivent livrer le lait et la crème aux coopératives laitières.

Voici quelques chiffres : en janvier 1941 : 915 000 litres de lait collectés dans tout le département. En janvier1942, la collecte est de 1 022 000 litres. Mais peu de beurre ramassé dans les laiteries (8 tonnes). Le beurre était essentiellement fabriqué et vendu dans les fermes (43 tonnes). Pendant la guerre, des zones de collecte de lait et de crème sont définies par l’administration ce qui engendre de nombreux conflits notamment avec la laiterie de Bléré (37). Voici la zone de collecte de la laiterie d’Onzain. Elle allait de Villemardy, au nord jusqu’à Pontlevoy, au sud de la Loire. Il y avait une laiterie à Blois, Hallard et Rabier qui ramassait également des produits laitiers.

V. LA LAITERIE APRÈS LA GUERRE

En 1946, il y avait 12 laiteries dans le Loir-et-Cher. En 1947, la laiterie d’Onzain employait 20 personnes dont 6 sur le quai pour le déchargement. Environ 8 000 litres de lait étaient amassés par jour soit 400 bidons de 20l. Les camions effectuaient des tournées d’environ 80 km pour ramasser 90 bidons. Il y avait beaucoup de petites fermes avec en moyenne 8 vaches laitières, ce qui représentait 2 à 3 bidons par exploitation. La moitié du lait collecté à Onzain partait encore à Paris par le train.

Onzain (camions-2) Image33 quai dechargement

Voici le genre de véhicules disparates que devait posséder la laiterie d'Onzain après la guerre. (photo de gauche). Carte postale montrant un quai de déchargement dans une laiterie charentaise. Le lait est collecté en bidons de 20, 40 ou 80 litres. Les citernes et les tanks à lait feront leur apparition dans les annés 1950. (photo de droite).

La laiterie d’Onzain va se moderniser. En 1948-1949, la Société des Fermiers Réunis prévoit l’installation d’une usine de pasteurisation et d’une porcherie (60 porcs) avec une fosse étanche vidée périodiquement. Le conseil municipal lors de sa session du 26 février 1949 donne son accord. Dans le bâtiment nord, un grand garage, une beurrerie et une chambre froide remplacent dorénavant les écuries. Un laboratoire supplantera la remise. Dans le bâtiment sud, une fromagerie sera créée à la place de la caséinerie. Le puits et la maison d’habitation restent.

La région produit encore beaucoup de lait, la laiterie d’Onzain travaille avec environ 700 producteurs répartis en Beauce, Val de Loire, et un peu en Sologne . Les rendements sont plus importants : meilleure alimentation donnée aux bovins et nouvelles races de vaches laitières. Le lait va de moins en moins à Paris, il faut trouver d’autres débouchés : fromages frais, camemberts, beurre et crème. La consommation de produits laitiers augmente, elle passe de 50 litres par an et par personne en 1910 à 100 litres en 1950 car on mange plus de yaourts, de fromage blanc et de petits suisses.

Une nouvelle ère commence avec la famille Perréard : René et son frère Michel rachètent la laiterie en septembre 1949, devant Maître Bridon, notaire à Montluçon. Michel possède 5 pour cent de la société, il s’occupera surtout de la porcherie. René en détient 95 pour cent. Autodidacte, à la pointe du progrès, il aura une bonne vision de l’avenir. Il donnera un nouvel essor à la laiterie-fromagerie en achetant après guerre de nombreux véhicules et en absorbant des laiteries en difficulté. La Société des Fermiers Réunis deviendra désormais : La Laiterie Fromagerie d’Onzain.

VI- LA LAITERIE FROMAGERIE SE RESTRUCTURE

Une nouvelle ère commence avec la famille Perréard : René et son frère Michel rachètent la laiterie en septembre 1949, devant Maître Bridon, notaire à Montluçon. René Perréard originaire de Haute-Savoie, était directeur d’une entreprise laitière dans l’Allier. Autodidacte, à la pointe du progrès, il aura une bonne vision de l’avenir. Michel, ne possédant que cinq pour cent de laiterie s’occupera surtout de la porcherie.

La région produit encore beaucoup de lait, la laiterie d’Onzain travaille avec environ 700 producteurs répartis en Beauce, Val de Loire, et un peu en Sologne. Le lait est livré de moins en moins sur Paris. Il faut trouver d’autres débouchés : Fromages frais, camemberts, beurre et crème. En 1949, la collecte journalière est de 5000 litres avec un handicap majeur car la moitié de la zone de ramassage est située au sud de la Loire. Le pont enjambant la Loire entre Onzain et Chaumont-sur-Loire a été détruit en juin 1940.

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De 1940 à 1951, il fallait traverser la Loire en bateau ou faire le détour par Blois ou Amboise. Un pont semi-provisoire en bois appelé la Passerelle fut construit en 1951. Situé à l’aval du pont actuel, il comprenait une voie unique et n’autorisait qu’une circulation alternée, réglée par des feux. Sa charge était limitée à huit tonnes.

En 1963, l’embâcle de la Loire donna des sueurs froides aux agents des Ponts et Chaussées, heureusement la débâcle se passa sans encombre. Un chantier est ouvert en 1967 pour la construction d’un pont métallique qui sera ouvert à la circulation en 1970.

M. Perréard aurait acheté juste après la guerre, 60 ambulances Delahaye aux Domaines (10 en état de marche et 50 autres pour les pièces détachées). Ces camions seront en service pendant près de vingt ans. Il achète aussi en 1954 des terrains à Onzain près de la laiterie à la veuve Guillet (678 mètres carrés) puis en 1955, autre achat de terrains le tout pour 80,000 francs. Un chemin a été déplacé pour agrandir la laiterie. Une fromagerie est aménagée dans les bâtiments existants pour la fabrication de fromages à pâte molle et à pâte fraîche. L’après-guerre connaît une expansion rapide car les exploitants remplacent leurs chevaux par des tracteurs, les écuries ainsi libérées deviennent des étables. La quantité de lait ramassée quotidiennement triple entre 1949 et 1955, passant de 5000 litres à 15000 litres.

Onzain 41 boutlle lait

Le 22 mars 1954, les frères Perréard achètent la laiterie de Beauce dénommée aussi Halard et Rabier, devant Maître Mouillet, notaire à Onzain. Les bâtiments blésois se répartissent ainsi : rue Michel Bégon, laiterie, fromagerie, beurrerie, maison d’habitation, locaux industriels et bureaux, et plus loin à Villiersfins, une porcherie. Cette laiterie Blésoise fabriquera des yaourts, des fromages blancs et des petits suisses. Elle mettra aussi en bouteilles du lait pasteurisé. En 1954, Pierre Mendès-France annonce la distribution quotidienne d’un verre de lait pour tous les écoliers français. Il faut écouler les excédents de lait car la production a fortement augmenté.

VII- 1956-1966, UNE DÉCENNIE D’EXPANSION

La collecte se fait dorénavant auprès de 1200 producteurs dont 200 pour le lait de chèvre. Fusion avec plusieurs unités dans la région : Laiterie de Cosne-sur-Loire (58), Laiterie de Nevers et la Centrale Laitière Tourangelle à Tours. Pour pouvoir produire plus, trois nouveaux bâtiments sont construits. L’un pour abriter une nouvelle fromagerie, de nouveaux hâloirs pour l’affinage des camemberts, des chambres froides sont aménagées. Un autre pour recevoir des bureaux, une chaufferie avec deux chaudières à fioul et un atelier pour l’entretien des véhicules. Le dernier sera une porcherie de 1000 places pour l’engraissement des porcs avec le lactosérum.

En 1956, les camemberts sont emballés à la main puis expédiés en cartons ou caisses de 25 kilos pour alimenter les grossistes de la région.  Les anciennes ambulances Delahaye sont modifiées pour pouvoir transporter des bidons de 20 litres ou plus tard une citerne de 1 800 l. Les chauffeurs entretenaient leurs véhicules (vidange, réparations de crevaisons). Il n’y avait pas d’antigel dans le radiateur, par temps froid, ce dernier devait être vidangé. A l’aller livraison des produits aux épiceries et ramassage du lait au retour.  Chaque chauffeur avait sa tournée, il partait vers 3 h du matin pour des livraisons à Saint- Aignan, Montrichard, Amboise…..Lorsque le chauffeur s’arrêtait dans une ferme pour casser la croûte avec l’éleveur, celui-ci pouvait comptabiliser 7 litres de lait en plus ! De retour à la laiterie, des employés déchargeaient les bidons sur le quai, une chaîne les montait vers un ouvrier qui les vidait dans un grand bac puis la chaîne continuait son parcours vers le poste de lavage.

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La production de fromages était alternée dans deux salles, un jour dans une salle et le lendemain dans une seconde salle. Une pompe servait à sortir le sérum qui était destiné à engraisser les porcs, de plus en plus nombreux. Le conseil municipal  doit se prononcer sur l’ouverture d’une porcherie en septembre 1956. Ce dossier fait débat : l’installation d’une porcherie semble primordiale pour la bonne économie de la laiterie mais l’évacuation des eaux usées parait être le point faible de ce projet. En 1959, 60 personnes travaillaient à la laiterie : 16 chauffeurs, 27 dans les ateliers fromage et lait, 3 à la porcherie, 14 au service administratif. On travaillait aussi le dimanche. Les épiceries sont livrées quotidiennement.

VIII. 1966-1977 : UNE PÉRIODE DE PROSPÉRITÉ

L’augmentation continue de la fabrication et des ventes des produits finis nécessite un recrutement important. En 1968, l’effectif atteint 160 personnes. La main d’œuvre locale ne suffit plus et doit être complétée par un apport de personnel étranger essentiellement portugais. Tôt le matin, du lait était livré à la chocolaterie Poulain, en centre-ville de Blois, il ne fallait pas faire de bruit, donc des bidons en plastique sont utilisés contrairement aux autres livraisons qui s’effectuaient avec des bidons en fer qui étaient beaucoup plus lourds et bruyants. En 1966, la livraison par camions de lait et fromages concerne 600 épiceries réparties dans quatre départements. À cette époque, Onzain avait 5 épiceries qui vendaient des produits laitiers.

En 1970, un nouveau pont est construit, René Perréard achète des véhicules d’une contenance plus importante et modernise son parc automobile. La collecte journalière atteint 50 000 litres. C’est le début de l’implantation de tanks à lait dans les fermes. Le ramassage avec des camions citernes se fera maintenant tous les deux jours. Avec la cessation d’activité de la laiterie Royer à St Martin le Beau, la zone de collecte s’agrandit. Le ramassage du lait s’effectue dorénavant dans au moins 6 départements tous les jours de 5 h 30 à 14 h. Cela correspond à 12 tournées de 40 producteurs en moyenne.

Sur les 500 producteurs : 352 ont un tank à lait et 150 sont ramassés avec des bidons. La laiterie employait 8 chauffeurs, elle possédait 9 camions citernes Hanomag d’une contenance de 7 000 litres. Chaque chauffeur effectuait 2 tournées par jour pour ramasser de 5 à 6 000 litres de lait. On relève une faible densité de ramassage : 38 l au Km parcouru d’où d’importantes charges  (gazoil, frais d’entretien, salaires). En 1975, le litre de lait est payé 0,72 F au producteur.

Jusqu’en 1974, le travail à la laiterie est  manuel. Petit à petit des chaînes de fabrication mécaniques remplacent ce labeur (sans suppression d’emplois).  Le volume de camemberts et autres produits laitiers  va doubler. Ci-dessous, un tableau indiquant l’évolution des ventes durant cette décennie. C’est surtout la fabrication de fromage frais qui augmente considérablement. En 1975, près de 800 tonnes de fromages frais sont écoulées. La porcherie est indissociable de la laiterie, elle limite la pollution en évitant le rejet de lactosérum dans la Cisse. Ce sous-produit, transformé autrefois en caséine, sert maintenant de nourriture aux quelques 400 à 500 cochons qui peuplent la porcherie. Les porcelets arrivent de Blois et restent plusieurs mois à Onzain pour être engraissés, avec 2 repas par jour. En contrepartie, il faut épandre le lisier à l’aide de canalisations, sur 32 ha de prés jouxtant la laiterie. La mairie reçoit régulièrement des plaintes concernant les mauvaises odeurs générées par ce lisier. René Perréard achètera encore des terrains en vue d’agrandir la laiterie et d’augmenter la superficie d’épandage. Il rachètera également la retenue d’eau située en face qui servira à refroidir les compresseurs des chambres froides, une canalisation passant sous la route. Le volume de fabrication de produits laitiers  dépassant les capacités d’absorption de la région,  l’entreprise doit étendre son secteur commercial jusqu’au niveau national. Chaque jour, 50 véhicules sillonnent les routes de  la région Centre et  circulent jusque dans la Nièvre pour collecter les 25 000 tonnes de matières premières que les 150 salariés élaboreront en produits finis.  La crise pétrolière de 1974 entraîne une augmentation importante des coûts de production (chauffage au fioul et essence pour les camions)

IX. 1978-1989 : DES CRISES SUCCESSIVES

Le début des années 1980 voit l’apparition des quotas laitiers décidés par la Communauté Européenne. Quand ceux-ci seront affectés à chaque exploitation cela provoquera la baisse inévitable de la production dans une région qui n’est plus tout à fait à vocation agricole laitière.  En 1982, la fermeture administrative de la porcherie est un coup dur pour la laiterie, car les propriétaires doivent faire des investissements importants pour acquérir des machines disposant d’ultra-filtration qui concentrent le lactosérum qui n'est plus donné aux cochons. Une dizaine de petites épiceries disparait chaque année, il en résulte moins de clients à fournir. Les supermarchés apparaissent, il faut livrer dans leurs plates-formes situées hors région ce qui occasionne d’importants frais de livraison supplémentaires. Début des années 80, la laiterie traite en moyenne 90 000 litres de lait chaque jour. Chaque année, cette matière première est  transformée en 9 millions de bouteilles de lait pasteurisé,  1 000 tonnes de camemberts, 1 200 tonnes de fromages frais, 200 tonnes de beurre, 250 tonnes de crème fraîche et 100 tonnes de fromages de chèvre.

Il fallait aller chercher le lait de plus en plus loin donc le prix de la matière première augmente. Il faut livrer également de plus en loin et le prix du gasoil grimpe, ce qui réduit la marge bénéficiaire.     La situation devient difficile à partir de 1985. Des licenciements ont lieu en 1987 et 1988. La fermeture se profile. Plusieurs facteurs ont joué en la défaveur de la laiterie : plus de porcherie à cause de l’odeur et des normes sanitaires, l’instauration des quotas laitiers, le choc pétrolier, de gros investissements pour traiter le lactosérum, l’arrivée des grandes surfaces qui dictent leur prix.

Fin 1988, c’est le dépôt de bilan de ce fleuron de l’économie onzainoise. Les bâtiments de laiterie fromagerie seront vendus le 14 novembre 1989. Une nouvelle entreprise s’y installera et agrandira ce site.

Sources :

(1) Archives municipales d’Onzain

(2) Archives départementales de Loir-et-Cher

(3) Photos, documents fournis par d’anciens employés de la laiterie.

(4) Recherche documentaire sur internet

Gérard Steinmetz [Camembert-Museum, le 14 février 2022]

 

Date de dernière mise à jour : 07/03/2022