Laiterie Saint-Louis de Voultegon (79)

79-Hôtel Fradin (Voultegon)

LAITERIE SAINT-LOUIS DE VOULTEGON par Jacques Ethioux.

Quelle ne fut ma surprise de découvrir, un jour, une étiquette de camembert, car il s’agissait bien d’un camembert “le Bressuirais”! Ma curiosité piquée, j’ai voulu en savoir davantage sur son origine, son histoire. Le style de l’étiquette semble correspondre aux années d’après-guerre mais, après avoir questionné plusieurs “seniors” bressuirais, spécialistes ou non de l’épicerie, rien, personne ne se souvenait de ce fromage ! Le renard de la fable l’aurait-il avalé ? Sachant qu’il n’ya jamais eu de laiterie à Bressuire, où ce fromage a-t’il pu être fabriqué, quelle peut-être son origine et pourquoi l’avoir appelé “le Bressuirais” ? Dans les années 1950, un certain Souchez, marchand de beurre et fromages, qui exercait son art à Bressuire, 8 rue Roger Salengro, livrait l’épicerie Baudouin rue René Héry, mais impossible de savoir où Souchez se ravitaillait pour fournir le fromage en question, ni d’ailleurs quelle laiterie pouvait l’avoir fabriqué puisque rien sur l’étiquette ne permet de le déterminer.

79-A-Voultegon 79-B-Voultegon

I- Laiteries-Beurreries et Coopératives Laitières en Deux-Sèvres

Un site spécialisé reconnu a recensé plus de 180 noms de laiteries, beurreries et coopératives laitières en Deux-Sèvres, de la fin du XIXème siècle à nos jours : aussi bien des petits producteurs qui fabriquaient eux-mêmes du beurre et du fromage que des structures plus importantes, laiteries industrielles et coopératives laitières. L’inventaire de Poitou-Charentes en compte plus de 200 entre 1880 et 1950. Même si certaines perdurent encore aujourd’hui, beaucoup ont disparu dans les années 1960-1980, par regroupements, rachats, ou ont tout simplement disparu en raison d’une production trop faible. Autour de Bressuire citons celles de Saint-Sauveur, Terves, Cerizay, Le Pin, Moncoutant, Voultegon…. Parmi les plus connues qui sont toujours en activité actuellement en Deux-Sèvres : Saint-Loup-sur-Thouet, Riblaire à Saint-Varent, Champdeniers, Echiré, Celles-sur-Belle, Pamplie, La Chapelle-Thireuil, Soignon, Bougon…; la plupart sont regroupées et appartiennent à de grands groupes de l’agroalimentaire comme Savencia, Lactalis, ou Eurial… Elles produisent soit du beurre, du fromage (chèvre ou vache) soit de la poudre de lait.

II- Le Bressuirais : Une étiquette de fromage.

Aucun nom d’auteur ni aucune signature apparaissent sur l’illustration des boites de fromage “le Bressuirais”. Le dessin est-il une commande d’une laiterie, pour sa production ou répond-t-il à une commande particulière ? Mais le visuel rappelle toutefois une autre étiquette, celle du “le Saint-Louis”. Il est identique et c’est le même imprimeur pour les étiquettes 2 & 3. Il est alors probable que la laiterie qui élaborait ce camembert “le Bressuirais” soit la même que celle du “Saint-Louis”, fabriqué à Voultegon par la laiterie éponyme “Laiterie Saint-Louis” Peut-être ont-ils été produits dans la même période, l’un pour une clientèle locale, du bocage bressuirais, l’autre pour une aire de chalandise régionale. Les étiquettes sans nom de laiterie servaient aussi parfois pour la vente de fromage de moins bonne qualité ou pour faciliter l’écoulement d’un produit.

2Sèvres-55nv (Saint Louis) 2Sèvres-60nv (Bressuirais) 2Sèvres-70nv (Bressuirais) 2Sèvres-65nv (Bressuirais)

Trois étiquettes différentes ont donc été éditées mais l’illustration est toujours la même. On reconnaît l’église Notre-Dame de Bressuire avec son clocher si particulier et son porche même si les lignes font du monument un édifice massif et moins élancé que dans la réalité. L’environnement, les maisons ne sont là que pour rappeler la campagne du bocage. Une paysanne ou servante, comme l’évoque le panier, va très certainement au marché à Bressuire. La coiffe qu’elle porte ne correspond pas exactement à la coiffe bressuiraise qui a des ailes beaucoup longues et moins de dentelle au-dessus. La première étiquette a été imprimée par l’entreprise niortaise NICOLAS. Apparaît la mention du pourcentage de matière grasse 30pct. Ce faible taux de matière grasse pour un camembert s’explique par le rationnement imposé pendant et immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale. Cette indication, comme le style du dessin, peuvent être des indices pour dater la fabrication de ce camembert entre 1945 et 1960. Sur la deuxième, le dessin est le même ainsi que le pourcentage de matière grasse mais deux nouvelles mentions apparaissent : le fabricant est adhérent du Syndicat des laiteries industrielles de l’Ouest et la marque est déposée. Cette étiquette sort des presses spécialisées de l’imprimerie Garnaud d’Angoulême. Le seul changement visible sur la troisième étiquette est le pourcentage de matières grasses qui est passé à 40 pct.

III- LA LAITERIE SAINT-LOUIS DE VOULTEGON

La laiterie Saint-Louis identifiée sous le code 79E, se situait au lieu-dit la Gare à Voultegon, aujourd’hui Voulmentin. L’origine du nom Saint-Louis semble provenir d’une petite croix qui se trouve à proximité de la laiterie, sur la route de Saint-Clémentin, appelée la croix Saint-Louis. La tradition associe cette croix à la période des Guerres de Vendée, en mémoire de Louis XVI et d’une embuscade qui aurait eu lieu entre les troupes royalistes et républicaines, saans qu’il soit possible de l’affirmer.

La laiterie a été créée en 1914 à côté de l’ancien hôtel Fradin par trois familles : les Vivon, Fouard et Thénard, qui possédaient déjà celle de Riblaire à Saint-Varent et de Laubreçais à Clessé. On y fabriquait du beurre et également à partir de 1939 des camemberts avec le lait collecté par les laitiers dans les fermes environnantes. Le petit lait était écoulé dans la porcherie construite à l’arrière du bâtiment. Le 26 octobre 1923, un dépôt de marques de fromage est fait auprès de l’Office national de la propriété industrielle par la société Vivon et Cie de Voultegon : camembert surfin “Fromagerie de la Vallée d’Argent” “Saint-Clémentin”. En 1936, dix habitants de Voultegon travaillent à la laiterie au moment du recensement de la population : huit sont simplement employés de laiterie, un est contrôleur et un autre “D de laiterie, peut-être le directeur de l’établissement. La plupart habite le quartier de la gare.

2Sevres-091nv (Voultegon-02) 2Sèvres-089nv (Voultegon 02) 2sèvres 085nv Voultegon 02 2Sèvres-090nv Voultegon 02

2sevres-35nv (Vallée l'argent) 2Sèvres-25nv (Vallée l'argent) 2sevres 30nv Vallée-de-l'argent 1 2sevres 093nv Voultegon-12

Au cours des années 1950, une centaine de salariés y travaillaient pour produire une tonne de beurre et environ 1000 fromages par jour. En 1957, la laiterie est vendue à un groupe de producteurs qui la transforme en coopérative. Cette année-là, la production de beurre s’arrête et celle du fromage cesse en 1964. Son activité se réduit au collectage du lait pour d’autres laiteries avant de cesser son activité en 1973. Désaffectée, elle est rachetée par des particuliers et les bâtiments sont aujourd’hui en cours de rénovation.

Pour clore ce parcours avec les les laiteries et les fromages, il ne reste plus qu’à souhaiter la découverte d’un “Châteaude Bressuire” un vin pour accompagner ce camembert bressuirais. Mais cela sera une autre histoire.

Jacques Ethioux [Camembert-Museum, le 16 août 2020]

Jacques Ethioux est en retraite depuis 2006. Philatéliste et ancien président de l'amicale philatélique bressuiraise pendant 30 ans. Il fait parti du conseil d'administration des Amis des Arts de Bressuire. Passionné d'histoire locale, il est l'un des 2 vice-présidents d'Histoire et patrimoine du bressuirais, et l'auteur de plusieurs articles parus dans cette revue (quartier de ville, monuments, guerre de Vendée).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 02/03/2024