Laiterie Industrielle du Quéreux, Rochefort (17)

Le Quéreux-Carte de visite

LAITERIE DU QUÉREUX, ROCHEFORT-SUR-MER (17) par Marcel Gousseau.

Au cours de ces dernières années, nous avions évoqué à plusieurs reprises sur ce site, l’histoire de laiteries industrielles ou coopératives implantées en Charente-Maritime suite à l’apparition du phylloxera en Saintonge. La physionomie de nos campagnes qui étaient à la fin du 19ème siècle à vocation viticole et céréalière allait être modifiée profondément. Dès 1885, le vignoble entièrement disparu va laisser la place aux pâturages. L’introduction en France de l’écrémeuse-centrifuge en 1878, et des initiatives d’hommes entreprenants comme Eugène Biraud, modeste cultivateur du hameau de Chaillé, près de Surgères, donnant l’impulsion à la création de coopératives laitières, allaient modifier de tout en tout les conceptions agricoles de l’Aunis et de la Saintonge. Le département qui s’appelait alors Charente-Inférieure, commençait à prendre de plus en plus sa part dans l’essor de l’industrie nationale. À côté de coopératives de plus en plus florissantes vont apparaître, grâce à des initiatives privées, et sans la moindre aide de l’état, des laiteries industrielles comme celle dont nous allons essayer maintenant de vous raconter l’histoire :  la Laiterie du Quéreux ou Laiterie de l’Aviation si vous préférez.

La Laiterie du Quéreux propriété de Monsieur Tranquard Yves, va voir le jour en 1920. Elle était située dans un quartier éloigné, à côté du boulevard Pouzet, juxtaposant la ville et la campagne, tout près d’une école base aérienne qui formait des aviateurs, raison pour laquelle elle était connue aussi sous le nom de laiterie de l’Aviation. Comme beaucoup d’autres laiteries elle ne sera pas épargnée par la fraude au lait. Elle employait trois personnes seulement à ses débuts dont un certain Albert Ragot, journalier de 42 ans, de mauvaise réputation. Sa première femme née Coquineau mourait empoisonnée en 1923, sans qu’il ne soit condamné faute de preuves.

En 1949, face aux puissantes laiteries coopératives implantées dans chaque canton, la laiterie du Quéreux naguère florissante se trouve en grande difficulté. Ses bâtiments sont vétustes, le matériel est vieux et complètement dépassé, elle ne ramasse que 500 litres de lait quotidiennement et la faillite pointe à l’horizon. C’est alors qu’un groupe de Rochefortais mené par la banque Daviaud, va racheter et renflouer l’affaire et nommer Henri Renaud, ancien de l’école de Surgères au poste de directeur. Aidé de son épouse Marthe, le jeune directeur de 26 ans,va non seulement sauver la laiterie mais va l’inscrire dans la modernité. Lorsque M. Renaud reprend la laiterie, le lait est toujours distribué "en vrac" dans les épiceries, et les clients viennent le chercher munis de leur casserole. C'était probablement ça l'écologie !

Henri Renaud, ancien directeur de la laiterie raconte : "La laiterie n'avait que 3 ouvriers à ses débuts, et en comptait plus de 30 en 1960, à mon départ. Tous les employés participaient pleinement à l'évolution de l'entreprise. Pour un travail identique, les femmes et hommes avaient le même salaire. Tous apportaient leurs idées pour la meilleure utilisation des machines et pour les conditions de travail. Des étrennes en fin d'année ajoutaient du plaisir à tous. C'était une grande famille, plutôt qu'une usine. Pour son courage et ses connaissances, c'est l'un d'eux, M. Robert Pinaud, que j'ai choisi comme chef du personnel et de la fabrication."

Quereux-01nv (Rochefort 01) Quereux-02nv Rochefort-sur-Mer

Parmi les fabrications on pouvait conter outre le lait et le beurre, le camembert, le Saint-Paulin, et les petits-suisses. Mais la laiterie n’était pas très adaptée à la fabrication de fromages. A partir de 1949, la laiterie du Quéreux va se spécialiser dans la vente du lait aux épiceries très nombreuses à cette époque. Elle y adjoint la fabrication des petits-suisses de 40 % et 60 % de matière grasse et de fromages frais dans un emballage de papier sulfurisé, produits sous l'appellation "Le Pierrot". Le beurre, produit de prestige d'une laiterie, est cependant fabriqué en quantité infime. Elle développe plus tardivement le yaourt "santé", nature, puis aromatisé aux fruits, dont la fabrication augmente considérablement pendant l’été. Sans avoir le monopole régional sur ce produit, la laiterie du Quéreux va s’assurer la part de livraison la plus importante aux villes de Rochefort, Saintes, La Rochelle, Royan, Fouras, Châtelaillon, Angoulins, Marennes, Port-des-Barques, etc. Et presque la totalité du marché sur l’île d’Oléron. Les grossistes de toutes ces localités voisines venaient s’approvisionner chaque matin à Rochefort de yaourts fabriqués durant la nuit par un personnel spécialisé.

Machine Stassano Mise-en-bouteilles-Stérilisation-lait le Quéreux

Les ménagères continuaient cependant à acheter le lait en fin d'après-midi, et le faisaient bouillir pour le lendemain matin. La pasteurisation n'en était qu'à ses débuts, et il n'y avait pas encore de frigos ménagers. La première idée ingénieuse de M. Renaud sera d'organiser une distribution du lait pasteurisé dans les épiceries le matin très tôt, en proposant de reprendre le lait non vendu, pour en faire de la caséine. En 1949, La laiterie va investir également dans un pasteurisateur créé par le docteur Stassano. Cet appareil détruit les bactéries et germes néfastes tout en conservant la qualité du lait frais, son goût et sa crème. Vers 1952, à la demande de nombreux clients, la laiterie propose aussi du lait mis en bouteilles. Ceci avec du matériel très simple, conçu par Henri Renaud et fabriqué par le mécanicien de la laiterie. A partir de 1955, le succès aidant, le lait va se vendre uniquement en bouteilles. La laiterie achète alors du matériel très moderne : une laveuse de bouteilles, une embouteilleuse... En 1960, 6000 litres de lait sont distribués quotidiennement par la laiterie du Quéreux. En 1965, la laiterie du Quéreux est reprise par la société Yoplait, qui possède l'entreprise Rival à Aytré.

Quereux (Article Exposition)

Restent aujourd'hui que des locaux délabrés, sans doute voués à une démolition prochaine. Ils appartiennent à un ancien employé de la laiterie.

Sources : (1) Rochefort, journal de juillet 1958. (2) Archives Municipales de Rochefort, fonds Renaud. (3) Rochefort Exposition quartier Stade Filaudrie.

Marcel Gousseau [Camembert-Museum le 16 septembre 2021]


 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 07/10/2021