Salmon-Clément (Betton 35)

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BEURRERIE SALMON-CLÉMENT (BETTON, 35). par MAURICE LÉCRIVAIN.

C’est à la veille de la Grande Guerre, en 1913, que Salmon Alphonse, Enseigne de vaisseau Auxiliaire réformé, né en 1881 à La Richardais, (Ille-et-Vilaine), va créer une beurrerie à Betton, sous le nom de SALMON-CLEMENT.

L’histoire commence en 1909, quand Alphonse Salmon épouse Marie-Pauline Clément, née le 24 janvier 1886 à Saint Aubin d’Aubigné. Le couple donne naissance à trois enfants : Henri Ferdinand Alphonse en 1912, Maurice Louis Marie en 1913, Madeleine Marie Elisabeth en 1914, tous nés à Saint-Aubin-d’Aubigné. La famille habitait au lieu-dit : « Le Haut de la Levée » devenu 11, rue du Mont Saint-Michel, face à la gare. Les bâtiments qui étaient auparavant divisés en deux propriétés, avaient été achetés, le 22 mars 1918, pour le prix de 45,000 francs à Monsieur Paul Noyer (un habitant de Rennes). A souligner que Lucien Clément, né en 1896, beau-frère d’Alphonse Salmon, fut aussi employé à la beurrerie. Il est présent lors du recensement de la population dès 1921 en tant que commerçant, et vit avec sa femme Lucie Coudray, institutrice.

En 1927, la beurrerie employait 8 personnes dont Lucien Clément, précédemment cité, qui occupait un poste important à la beurrerie, Jean Renault, René Rouault, Jean Loret, Constant Fossard, Louis Lavollée (ramasseur de lait mais aussi bourrelier à Betton), Alexandre Squéville, Anna Ruaudel (ménage et cuisine), Mme Nicoud, Angèle Régnier (qui épousera Alexandre Squéville), Mme Marsolier (couturière), la mère de Mme Gilberte Besnard s’occupait du linge car il y en avait un volume important, une cuisinière aussi car tout le personnel prenait ses repas à la beurrerie, il faut citer aussi Mme Raymonde Lavollée et Mlle Marquerie qui s’occupaient de l’administratif. Chaque année, fin janvier ou début février, une fête annuelle réunissait tout le monde.

En 1937, le banquet était présidé par M. Osmond et réunissait une centaine de personnes selon le journal l’Ouest-Eclair. Cette même année, un article consacré à la beurrerie Salmon-Clément, paraissait dans le Grand Annuaire illustré et sélectionné de la France Contemporaine. Voici ce qu’on pouvait y lire : « Monsieur Alphonse Salmon-Clément dirige à Betton près de Rennes, depuis 1913, l’importante beurrerie qui eut comme précurseur depuis 1874, M. Legendre. Mr Salmon traite exclusivement les beurres fins de table, sa marque déposée « Domaine du Val d’Ille » est connue dans toute la France et à l’étranger, où sa réputation n’est plus à faire. Mr Salmon fait toutes expéditions en gros, demi-gros et par colis postaux, minimum de 3 kilogrammes à la clientèle bougeoise. Il traite également les œufs frais et de conserve qu’il expédie dans les mêmes conditions que les beurres.Mr Salmon est membre du Syndicat des Négociants et Expéditeurs Bretons. Des renseignements qui nous ont été communiqués, la Maison Salmon-Clément occupe une place importante dans le commerce des beurres et œufs, une des principales industries de l’Ille-et-Vilaine. Qualité des beurres extra-fins : vignette bleue, qualité des beurres supérieurs : vignette rose »

En 1939, Jean Loret a 13 ans. Son salaire journalier est de 5 francs de l’époque. Il se souvient des tournées qu’il effectuait le matin avec Monsieur Alphonse Salmon en camion pour le ramassage du beurre et des œufs, dans les fermes. M. Salmon portait toujours sa casquette de marin, sur laquelle une ancre était représentée. Le beurre était déposé dans de grands paniers en osier au fond desquels se trouvait un drap, pour une meilleure conservation lors de la tournée. La collecte du beurre fermier et des œufs était effectuée deux fois par semaine sur les communes de Betton, Chevaigné, Saint-Aubin-d’Aubigné, Liffré, etc. Jusqu’au début des années 1940, les tournées étaient faites avec les chevaux (la beurrerie Salmon-Clément en possédait deux), ensuite avec un camion à gazogène. La consultation des archives de la commune de Betton, donne la liste des véhicules recensés possédés par la maison Salmon en 1940 : Une camionette Citroën immatriculée 127L37, une camionette UNIC n° 3899GV, une deuxième camionnette UNIC immatriculée 8040, et une camionnette Renault N° 443GV2.

Le 4 février 1941, Alphonse Salmon écrit au Préfet d’Ille et Vilaine : « L’objet de mon commerce est l’achat pour affinage en vue de leur revente des beurres fermiers. La raréfaction des produits laitiers va conduire à l’interdiction de fabrication du beurre à la ferme, afin d’obtenir des beurres laitiers de qualité et surtout le contrôle et la fabrication rationnelle de tous les produits du lait. Conformément à l’article 1er de la loi du 09-09-1939, j’ai l’honneur de vous demander l’autorisation de créer dans la zone d’exploitation de mon commerce, une laiterie-beurrerie-fromagerie qui me permettra d’adapter mon activité professionnelle à la législation en vigueur. Faute de réponse, une nouvelle lettre est envoyée le 24 novembre 1941, pour savoir quelle suite sera donnée à sa demande de transformer son commerce de beurres en gros en laiterie. Cette demande ne sera pas suivie d’effet, car le commerce des produits laitiers allait s’améliorer, surtout après la guerre.

En 1942, le comité de gestion du Groupement Interprofessionnel Laitier d’Ille-et-Vilaine, demandait à la Nouvelle Beurrerie d’Ille-et-Vilaine, de collecter le beurre sur les communes de Chevaigné et Saint-Germain-sur-Ille, à titre transitoire, suite au retrait de la carte professionnelle de M. Salmon du 16 juillet au 15 octobre 1942. Lorsque la collecte était effectuée en camion, M. Henri Salmon conduisait, tandis que M. Alexandre Squéville qui l’accompagnait, chargeait les bidons de crème. M. Squéville est décédé à l’âge de 70 ans, il habitait La Hamonais à Betton.

La collecte de crème va s’étendre seulement sur une période de trois ans entre 1948 et 1951, en même temps que le beurre et les œufs. Avec cette crème, un beurre de très grande qualité, non pasteurisé bien évidemment, était fabriqué et expédié aux clients les plus importants en mottes de 10 kilos. Si la matinée était réservée aux tournées de ramassage, l’après-midi servait surtout à fabriquer des caisses d’expédition en bois de différentes dimensions. Une partie de la marchandise était expédiée par voie ferrée, la gare SNCF étant toute proche. A cette époque, les agriculteurs faisaient tous du beurre (usage familial principalement), le surplus était repris par Monsieur Salmon, ainsi que les œufs, qui étaient triés par les employés avec beaucoup de dextérité et de rapidité. Monsieur Clément achetait aussi du beurre aux fermiers sur les marchés des alentours. Ce beurre était malaxé pour enlever les restes de lait, puis reconditionné en mottes de différents poids, et vendu sous la marque « DOMAINE DU VAL d’ILLE ».

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Rappelons au lecteur, que sur la commune de Betton, existait aussi la beurrerie-fromagerie COSTA, installée à la Reinais sur la route Betton-Saint-Grégoire. En avril 1947, Monsieur Henri Salmon est désigné pour représenter les transformateurs, dans une commission nommée à la diligence du Préfet, chargée de déclasser les beurres de qualité inférieure. Cette commission état composée de producteurs, transformateurs, intermédiaires et consommateurs.

En 1950, Mme Veuve Alphonse Salmon, âgée de 64 ans, dépose à la préfecture de Rennes, un dossier pour l’installation d’une laiterie-beurrerie en grand, conformément à la loi du 19 décembre 1917. Cependant, à partir de 1951/1952 les activités commencent à péricliter sérieusement. Le tribunal de commerce de Rennes va rendre un premier jugement le 1er avril 1954, puis un règlement judiciaire est prononcé par ce même tribunal par jugement du 21 juin 1957 puis du 11 février 1958, ordonnant la vente des biens. M et Mme Fêtu, ainsi qu’un Monsieur Lelièvre deviennent ainsi propriétaires chacun d’une partie des bâtiments suite à la vente par adjudication du 30 octobre 1958. La laiterie Collin-Villibord de Bécherel reprendra le fonds de commerce, ainsi que le personnel, avant de cesser aussi ses activités vers 1965-1967. Au sein de la nouvelle entreprise, M. Clément et Squéville continueront le ramassage de la crème, du beurre et des œufs sur les communes de Betton, Chevaigné, Vignoc, Guipel, Saint-Germain-sur-Ille et Montreuil-sur-Ille, jusqu’en 1961. Henri Salmon s’occupait du malaxeur de beurre, puis rejoignait l’entreprise Emile Bridel de Martigné-Ferchaud, puis celle de Rétiers, jusqu’à sa mort à Rennes en 1972 à l’âge de 60 ans. Dans la revue « Rencontres » n° 76, de septembre 1972, la Maison Bridel fait paraître cet article : « M. Salmon nous a quittés le 20 juillet après une brève maladie. Depuis 18 ans dans la Maison, il avait été directeur de l’usine de Martigné-Ferchaud, et s’était beaucoup occupé, jusqu‘en 1964, des relations avec les producteurs. Beaucoup d’entre vous le connaissaient. Il était un des gardiens les plus fidèles de l’esprit de la Maison. C’est une lourde perte pour nous tous »

LECRIVAIN MAURICE [CAMEMBERT-MUSEUM, PREMIÈRE PUBLICATION, LE 20 SEPTEMBRE 2020]

 

Date de dernière mise à jour : 08/10/2020