Bornibus et Cie, Paris (75)

Bornibus moutarde (Eglise St-Médard)

Publicité pour la moutarde Bornibus. On reconnait l'église Saint-Médard, et la rue Mouffetard à Paris.

BORNIBUS  & CIE, LE MOUTARDIER & LE LAITIER.

Ils étaient deux frères : l’un était moutardier (le cadet) et l’autre avait fait du lait propre pour enfants et personnes malades son affaire. Cependant celui dont la réussite est la plus fulgurante reste Alexandre Bornibus le moutardier, dont la marque existe encore de nos jours.

Alexandre Bornibus, né Jean-Baptiste Alexandre Bornibus, est le fils de Nicolas Bornibus et de Marie-Anne Pharisien. Il est né le 28 mars 1821 à Verpillières-sur-Ource (Aube). À l’âge de vingt-cinq ans, aidé par son frère aîné Joseph Nicolas, il commence sa carrière en 1846 par  la création de l’institution Bornibus dans la ville de Pontoise, où il exerce la profession d’enseignant. il devient ensuite rapidement une véritable entreprise familiale. Toutefois, en 1852, le conseil académique de la Seine-et-Oise impose la fermeture de l’établissement pour des raisons que nous n’avons pas encore déterminé à ce jour.. Suite à cet échec, les deux frères vont continuer leur aventure commune. Ils créent alors en 1854, pour une durée de cinq ans, la société Lefèvre et Bornibus Frères, dont l’objet est le commerce de gros de produits laitiers et de la crèmerie. Au cours de cette même année, Alexandre prend pour épouse Esther Cheron, fille d’un important négociant en vin. En 1861, à l’approche de la quarantaine, Alexandre se sépare de son frère Joseph, et rachète une usine de moutarde à la maison Touaillon et fils, située dans le quartier des Halles à Paris. Alexandre Bornibus va déplacer et renommer très rapidement la société qui sera désormais connue sous le nom célèbre de Bornibus. Elle est située au 58-60 boulevard de la Villette dans le 19ème arrondissement. En 1864, Alexandre dépose un brevet pour un "moyen de tamiser la moutarde et diverses autres substances ». En 1866, l’usine est dévastée par un incendie. Quatre ans plus tard en 1870 le site est acquis par la famille Bornibus, qui va complètement raser l’ancienne usine et construire une nouvelle. De nos jours, on peut toujours voir en façade le fronton Alexandre Bornibus, ainsi que différentes plaques de l’entreprise. La société restera dans le giron familial jusqu’au début des années 1930, avant qu’elle ne soit reprise en 1931 par Charles Boubli. Le dernier repreneur en 2012 s’appelle Sydney Knafou, et la célèbre marque est confectionnée à Dijon.

Immeuble 58- boulevard de la Villette

Joseph Nicolas Bornibus est né en 1819 à Verpillières-sur-Ource (Aube). Décédé en 1885. Laitier en gros, il demeure 19 rue de Milan à Paris. Sur une affiche signée par l’illustrateur Jules Chéret (1) (1836-1932) on apprend que la Laiterie Normale, c’était son nom, était propriétaire d’une vacherie bretonne située à Mitry en Seine-et-Marne. Autre information intéressante est la distinction qui est faite entre le lait de vaches bretonnes et le lait de vaches diverses (normandes, flamandes). Le lait breton est plus recherché donc plus cher, vendu 60 centimes le litre au lieu de 50 centimes pour les autres races de vaches laitières. Autre argument de vente le lait breton conviendrait mieux aux enfants et personnes malades. C’est une Société Coopérative en commandite par actions, à capital variable, Le siège social de Bornibus Ainé & Cie était à Paris, 59 rue de Lyon, où elle disposait d’un laboratoire d’analyse du lait et on apprend aussi qu’un conseil sanitaire d’hygiène, institué par les statuts de la société rendait obligatoire la visite des vacheries et le contrôle de la qualité du lait.

Bornibus aine cie nv cheret jules  Bornibus aine cie nv cheret jules

Affiche signée Jules Cherret (1836-1932)

Toutes ces décisions inscrites dans les statuts de la société n’empêchent cependant pas la fraude. C’est ainsi que le 21 avril 1855, le Tribunal Correctionnel d’Évreux rendait le jugement suivant : Les nommés Antoine Pharisien, 24 ans, né à Verpillières (Aube) demeurant à Vernon, Jean-Baptiste Alexandre Bornibus, âgé de 34 ans, marchand de lait en gros, né à Verpillières (Aube), demeurant à Paris, Joseph Nicolas Bornibus, âgé de 35 ans, marchand de lait en gros, né à Verpillières (Aube) demeurant rue d’Amsterdam à Paris, sont déclarés coupable. (1) Pharisien d’avoir falsifié à Vernon (Eure) des denrées alimentaires destinées à être vendues, en mettant de l’eau dans le lait. (2) les Frères Bornibus d’avoir avec connaissance aidé ou assisté Pharisien dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé le délit ci-dessus spécifié, et d’avoir donné des instructions pour le commettre. Le jeune Pharisien sera condamné à dix jours de prison et cinquante francs d’amende. Les frères Bornibus seront condamnés à un mois de prison chacun et mille francs d’amende.

Nous mentionnions plus haut que Joseph Nicolas Bornibus était quelques années plus tôt avec son frère dans l’enseignement. Un décret du 03 juin 1853, rendu sur la proposition du grand-chancelier de l’ordre impérial de la Légion d’Honneur, excluait de la Légion d’Honneur Monsieur Joseph Bornibus, chevalier de la Légion d’Honneur du 26 septembre 1848, déclaré par le conseil supérieur de l’instruction publique, indigne à jamais d’exercer ses fonctions de l’enseignement pour fait d’inconduite et d’immoralité, et condamné correctionnellement pour distribution, sans autorisation préalable d’un écrit imprimé.

Dans le journal « La Femme de France » daté du 11 octobre 1879, il est fait mention de la société Bornibus sous le titre Le Lait Pur à Paris on peut lire « Paris vient d’être doté d’une société utile qui résout de la façon la plus heureuse pour la capitale la question de l’alimentation des nouveau-nés.Monsieur Bornibus vient de fonder une société coopérative, dont le siège est situé rue de Lyon 59, et qui a pour but de vendre du lait pur et non écrémé au prix de 50 centimes le litre et de 30 centimes le demi-litre. La société a fondé à Mitry en Seine-et-Marne une vacherie exclusivement composée de belles vaches bretonnes.Le lait est livrable deux fois par jour à domicile, dans d’élégantes boites de cristal fermées hermétiquement à l’aide de bouchons de verre vissés. Nous souhaitons que cette œuvre éminemment utile prospère, et nous félicitons M. Bornibus de son innovation généreuse ».

Une laiterie en gros sous le nom de Lefevre et Bornibus Frères se trouvait 39, rue d’Amsterdam à Paris. (A suivre)

Serge Schéhadé [Camembert-Museum, première édition, le 23 mai 2021]

 

Date de dernière mise à jour : 23/05/2021