Bourdon Maurice (Fromagerie de Barbery 14)

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Fromagerie Maurice et Philippe Bourdon à Barbery dans le calvados (14), connue aussi sous le nom de de fromagerie de la Petite Abbaye, Fromagerie des Fontaines et aussi sous le nom de fromagerie du Moulin de Faverolles. (Lire l'historique sur cette page).

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En ce début du XXème siècle, Maurice Bourdon (né le 24 novembre1880 à Fresney-le-Puceux), va fonder à l’emplacement du moulin à blé de Faverolles, une fromagerie sur la commune de Barbery dans le calvados, dite la Petite Abbaye et connue aussi sous le nom de fromagerie des Fontaines (nom d’un hameau tout proche). Elle comprenait à ses débuts un atelier de fabrication, un hâloir, un logement patronal ainsi que d'importants logements ouvriers, un bureau et une porcherie. Les premières étiquettes portent la mention Bourdon-Collette, et même R. Collette. Philippe Bourdon, le fils de Maurice, a travaillé lui aussi à la fromagerie avec son père. Seul dépositaire d’après une étiquette : la Société Normande d’Alimentation à Caen. Cette fromagerie industrielle employait jusqu’à 60 ouvriés logés et nourris sur place pour la majorité d’entre eux.

Du ramassage du lait jusqu’à l ‘affinage, histoire de la fabrication du camembert, racontée par le propriétaire des lieux Maurice Bourdon à un groupe de visiteurs de l’Association Normande, qui va d’ailleurs lui décerner en 1936, une médaille d’or pour l’installation de son industrie laitière.

À la fromagerie de Barbery, en ces années 1930, le ramassage du lait est effectué 2 fois par jour, au moyen de 12 voitures hippomobiles qui partent chaque matin à 6 heures et  chaque soir à 17h30 ramasser le lait dans les fermes et les communes voisines. Le lait du soir est refroidi et conservé dans des bacs pour être généralement utilisé le lendemain matin. La rentrée des voitures du matin se fait d'une façon successive entre 9 heures et midi. Au fur et à mesure de ces arrivées, les pots de lait sont débarqués sur un vaste quai  pour le pesage, et la qualité de la matière première est immédiatement contrôlée. Les laits douteux, d’une acidité trop élevée, déterminée au moyen d'un acidimètre, sont envoyés à la porcherie ; le bon lait est déversé dans un filtre placé au-dessus des bassins d'alimentation du réchauffeur, puis de là par des tuyaux en cuivre étamé, dirigé sur la salle d'emprésurage.

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L'emprésurage consiste à faire cailler le lait par addition d'une certaine quantité de présure. Pour cela, le lait est d'abord chauffé aux environs de 30° par ruissellement sur un appareil composé de 10 tubes superposés, reliés à leurs extrémités, et dans lequel circule de l'eau chaude ; le lait chaud est récupéré dans une gouttière munie de goulottes, par lesquelles le lait est réparti dans une cinquantaine de cuves d'une contenance de 80 litres ; ces cuves seront remplies le nombre de fois
nécessaire pour avoir la quantité de caillé suffisante. Le lait, au fur et à mesure du remplissage, est additionné de 12 centimètres cubes de présure liquide environ. La coagulation dure, suivant les saisons de 1 heure à 2 heures 30. La salle d'emprésurage est chauffée à 25° en hiver et maintenue à 20° pendant l‘été.

Le moulage. — Le lait suffisamment caillé, (le sérum ou petit lait n'étant toutes fois pas séparé des autres éléments du lait), est transporté à l'aide d'un petit chariot vers la salle de mise en moules. Ces moules ont été préalablement disposés sur des tables d'égouttage légèrement inclinées et recouvertes d'un store, pour éviter que le caillé adhère au bois. La répartition dans les moules est faite avec des pochons, (sorte de louches profondes) d'une contenance d'1/3 de litre, le moulage se fait en 6 fois. Il faut donc pour fabriquer un camembert, 2 litres de lait. La quantité de camemberts fabriqués est de 5.000 fromages par jour. Les chiffres qui précèdent ne sont qu'une moyenne pour l'ensemble d'une année, le rendement est plus fort en hiver et plus faible en été. Le moulage est terminé, suivant les saisons, entre 14 heures et 16h30. Environ 3 heures après, on glisse dans chacun des moules, sur la surface du caillé, des plaquettes en tôle inoxydable, afin d'empêcher le lait d'adhérer aux parois. Durant la mise en moules et pendant 24 heures encore, le sérum composé en majeure partie d'eau et de lactose (sucre de lait), se sépare des autres composants du lait, s'évacue par le fond du moule et par de petits trous percés autour.
Quand l'égouttage est en partie terminé, environ 20 heures après le début du moulage, les plaquettes étant retirées, les fromages sont retournés un par un. Après le tournage, les fromages restent encore 24 heures sur les tables d'égouttage. Les salles d'égouttages sont chauffées à 22° en hiver et maintenue à 20° en été.

L'égouttage terminé, de 44 à 48 heures après le début de la fabrication, et les moules ayant été enlevés, on procède au salage. Ce travail se fait en deux fois, la face qui se trouvait à l'air est d'abord salée, par saupoudrage, ainsi que le côté, avec du sel spécial très sec et très fin. Au moment du salage, les fromages sont déposés sur des planches et portés dans un saloir où on les glisse dans des égouttoirs. Quand les fromages ont absorbé le sel qui se trouvait en surface, ils sont ensemencés avec des ferments de culture. La deuxième face est salée 6 ou 7 heures après le premier salage, en même temps que les fromages sont retournés sur les planches ; 2 ou 3 heures après ils sont à nouveau ensemencés. Les fromages resteront encore jusqu'au lendemain matin dans le saloir. La fabrication est à ce moment pratiquement terminée. Elle aura donc duré 60 heures depuis l'arrivée du lait.

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La Fermentation : le séjour au saloir étant terminé, les fromages, à l'aide de wagonnets et d'un monte-charges, sont conduits dans les salles de fermentation, appelées hâloirs et qui se trouvent au-dessus des salles de fabrication. Dans les hâloirs, les fromages sont placés sur des claies en bambous, qui sont elles-mêmes supportées par des cadres en bois dénommés Balleux. Dans ces hâloirs, les fromages séjournent de 7 à 8 jours ; au bout de 6 jours, les fromages sont retournés, un par un. La température doit être maintenue à 15 degrés, pour cela, des doubles murs et doubles fenêtres, isolent autant qu'il est possible, des variations de température extérieure. Cependant une installation de chauffage central est nécessaire pour l'hiver, et un dispositif de réfrigération par circulation de saumure, pour la saison chaude. Il faut éviter d'abaisser le degré hygrométrique de l'air, ce qui provoquerait un séchage prématuré et excessif des fromages. Durant leur séjour au hâloir, les fromages se couvrent de moisissures blanches, qui sont encore visibles quand ils sont offerts à la consommation.

Le Séchage : En fin de stage dans les hâloirs, les camemberts sont à nouveau changés de local ; pour cela, ils sont enlevés de sur les claies, posés sur des planches et portés dans les séchoirs. Les séchoirs sont très aérés, chauffés ou refroidis, suivant les saisons. Là les fromages séjournent de 5 à 8 jours au cours desquels, ils sont retournés journellement, de façon que les faces soient suffisamment sèches. Dans le cas contraire, les fromages se décomposeraient après avoir été mis en boîtes.

Emballage : Les fromages ayant été bien séchés, sont d'abord mis dans un papier paraffiné, puis dans des boîtes, qui sont-elles-mêmes disposées, le plus souvent dans des caisses de 60.

L’Affinage : Peut se faire de deux façons ; soit avant l'emballage, les fromages étant encore sur les planches, ou après. Dans un cas comme dans l'autre les camemberts sont conservés, environ 4 semaines dans des caves froides à +6°, et ayant un degré hygrométrique convenable. Pendant leur séjour dans les caves ils sont surveillés de très près, et retournés, autant qu'il est nécessaire. L'affinage terminé, les camemberts peuvent-être offerts à la consommation.

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En partant depuis le ramassage du lait, le temps nécessaire, pour donner un camembert affiné à la consommation, aura donc été de 6 semaines au minimum. Il apparaît donc, que les difficultés de fabrication dues aux conditions atmosphériques, ne permettent pas d'offrir toujours aux consommateurs, un produit de qualité irréprochable, tel que le désireraient les producteurs. Les locaux de la fromagerie ainsi que les différents ustensiles, doivent être tenus dans un grand état de propreté, le lait et ses dérivés étant des matières particulièrement fermentescibles. Il est à noter que tous les travaux sont exécutés à la main, et nécessitent de ce fait des employés nombreux et spécialisés. Une cinquantaine d'ouvriers nourris et logés, sont utilisés journellement pour les différents travaux. Un laboratoire permet d'examiner, chacun des laits fournis par les fermiers. Pour cela, un contrôleur passe 2 ou 3 fois par mois, prélever des échantillons chez chaque fournisseur.

À proximité de la fromagerie, une porcherie de 350 têtes, est alimentée par le sérum; il est nécessaire d'y ajouter des farines d'orge le plus souvent et d'autres aliments cuits, tels que : pommes de terre, haricots etc..

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Un orage d'une rare violence éclate dans la région de Bretteville-sur-Laize : En juin 1939, un orage d’une particulière violence éclatait dans la région de Bretteville-sur-Laize, les dégâts se chiffraient par millions de francs. La fromagerie Bourdon subissait des dégâts très importants. En moins de dix minutes, une trombe d'eau de plus d'un mètre cinquante de hauteur s'est abattue sur la fromagerie. Les portes et les fenêtres n'ont pu résister à la poussée des eaux et ont été arrachées et entraînées. Les meubles soulevés comme des fétus de paille partirent avec le flot qui, après avoir tournoyé dans les pièces du rez-de-chaussée réussit à se faire un passage en arrachant la cloison légère, montée en briques creuses, d'une arrière-cuisine.  Un coffre-fort pesant plus de 250 kilos fut également soulevé et retourné sens dessus-dessous. La maison d'habitation n'est pas d'ailleurs la seule à avoir souffert la fromagerie a également été envahie par les eaux qui ont saccagé et emporté 12.000 fromages en cours de fabrication. Des moules à camembert ont été retrouvés à plus de 3 kilomètres de la fromagerie. Dans le réfectoire des ouvriers, des plaques de marbre ont été arrachées et déplacées. Les tables sur lesquelles elles étaient posées ont été disloquées et enlevées. Partout est restée une couche de plusieurs dizaines de centimètres de vase et de graviers. Le long des murs
qui constituaient un obstacle à l'écoulement des eaux, la couche atteint 80 centimètres à 1 mètre. Les dégâts sont, d'ores et déjà pour la fromagerie, évalués à tout près de 200.000 francs.  (Source Journal Local).

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La collecte d’informations dans la presse locale, même à la rubrique des faits divers, peut souvent aider à mieux comprendre le rythme de vie d’une fromagerie normande en cette première moitié du 20ème siècle : Accidents du travail, bagarres entre ouvriers, vols, alcoolisme, cultivateurs fraudeurs et lait mouillé, accidents de la route etc. En voici quelques exemples tous liés à la fromagerie Bourdon.

1924 -Septembre- : Menaces de mort et violation de domicile
Deux commis laitiers, les nommés Sevestre Camille et Lecourt Alfred, congédiés le 15 septembre 1924 de la fromagerie Bourdon à Barbery, se sont introduits le lendemain dans la cour de cette fromagerie, vers 22h30. M. Bourdon essaya de les faire sortir de sa cour sans y réussir, Sevestre se jeta sur lui, mais ne put l'atteindre, grâce à la fille de M. Bourdon qui s'interposa. Sevestre aurait dit à M. Bourdon « Je me charge de ton affaire », et avec son complice, il aurait ajouté, voyant le patron partir chercher les gendarmes : «Dommage de n'avoir pas de revolver, on le descendrait ». Sevestre et Lecourt auraient également menacé de mort M. Charles Foucher, chef laitier. Ils ont reconnu leurs menaces à l'égard de M. Bourdon, mais Lecourt déclare que c'étaient des paroles en l'air. C'est au chef laitier qu'ils en voulaient, mais ils n'ont pas voulu répondre aux questions qui leur ont été posées au sujet des menaces de mort à l'adresse de ce dernier.

1929- Vol de Fromages : Bourdon Maurice, âgé de 48 ans, fromager à Barbery, s'apercevait que depuis une quinzaine de jours, on lui volait des fromages. Une surveillance fut exercée, on découvrit les coupables. Le nommé Férey Auguste, 23 ans, ouvrier fromager, les prenait et les donnait à un nommé Foucher Robert, 19 ans, ouvrier fromager, qui les vendait dans sa tournée de ramassage de lait à des clients. Ils se partageaient le produit du vol. M. Bourdon estime le vol commis à 8 douzaines de fromages et estime son préjudice à 335 francs. Les voleurs viennent d'être arrêtés et conduits à Caen devant M. le Procureur de la République.

1929- L’analyse d'un prélèvement pratiqué dans le lait livré à la laiterie Bourdon de Barbery, par les nommés Adjutor Dumont, 25 ans, cultivateur; Eugène Dumont, 60 ans, cultivateur, et Marie Bayeuse. veuve Bobier, 55 ans. domestique, tous les trois à Barbery, a révélé un mouillage de 41% et un écrémage de 15%. Le premier est acquitté, les deux autres sont condamnés chacun à 3 mois de prison, 200 francs d'amende, à l'affichage et insertion du jugement.

1934- Un inspecteur des fraudes, M. Devoisse découvre qu’une cultivatrice de Moulines livrait un lait à la fromagerie de Barbery mouillé à 63 pct.
 

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Liste d’employés identifiés comme ayant travaillé à la fromagerie Bourdon :
Bourdon Gustave (Fils d'Edouard Bourdon, mort aux Champs d'honneur en 1914, et cousin de Maurice Bourdon (en 1938), Croquevielle (ramasseur de lait en 1938), Deuley Pierre (en 1938), Foucher Jules (en 1938), Gautier René (en 1938), Ledain Georges (en 1938), Rouger Roland (Comptable en 1938), Ferey Auguste (ouvrier fromager en 1929), Foucher Robert (ramasseur de lait en 1929), Samson Abel (employé jusqu’au 18 septembre 1932). Madeleine Letouzé (fille de Juliette Bourdon et nièce de Maurice), Henri Bourdon (fils du neveu Maxime Bourdon et petit neveu de Maurice), André Patry (descendant de Jean Bourdon et Elisabeth Levavasseur et fils de Thérèse Déloges de Fresney-le-Puceux.

La Laiterie industrielle Bourdon  fabriquait des camemberts pour les magasins Coop, ainsi que du Coulommiers pour la société parisienne Gecodi, sous la marque « le Pré-Haut » . Plusieurs récompenses aux Concours Agricoles dont : 1er Prix Médaille d’Or à Paris 1922, 1er Prix Médaille d’Or à Paris 1923, 1er Prix Médaille d’Or à Strasbourg 1923, 1er Prix Médaille d’Or à Paris 1927, Médaille d’Argent à Paris pour son camembert en 1928.

Les Marques : 1- Camembert du Cinglais. 2- Camembert M. BOURDON 3- Camembert du Moulin de Faverolles. 4- Petit Camembert de l’Abbaye de Barbery. 5- Camembert du Val Clair. 6- Camembert Rêve de Gourmet, ainsi que du beurre et de la crème fraîche.

En 1969, la fromagerie Bourdon est rachetée par le Groupe Besnier, devenu ensuite Lactalis. Elle restera en activité dans les années 1970, jusqu’à sa fermeture en 1981.
 

Serge Schéhadé [Camembert-Museum le 1er octobre 2015]
 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 16/04/2021