Colas-Lebailly, Livarot (14)

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FROMAGERIE COLAS-LEBAILLY, LIVAROT (14), CANAPVILLE (61).

Revenons quelques années en arrière. D’après les recensements de 1865, 1861, 1866 Théodule, Rustique, Jean Petout né en 1817 à Cambremer (14) exerce le métier de charron. Il se marie le 14/05/1854 à Livarot avec Clémentine, Adèle Vallée née en 1835 à Boissey (14). À Livarot, ils habitent rue de Lisieux. En 1869, Théodule Petout utilise un bâtiment comme chambre à fromages ou cave à fromages (d’où le nom de caveur) rue du château pour affiner des livarots. Il démolit l’écurie et la remise rue de Lisieux datant de 1898 pour les transférer rue de la fabrique en ajoutant un bureau et devient ainsi Marchand de fromages. En 1874, Jules Morière, qui a écrit beaucoup d’ouvrages sur l’agriculture, notamment sur les fromages, indique que la fromagerie affine de 5 à 6000 douzaines de livarots blancs par an achetés sur les marchés de Livarot (14) et de Vimoutiers (61). À la suite du décès de son époux en 1894, Clémentine Petout reprend l’affaire avec l’aide de sa cousine Victorine. En 1901, une fromagerie est construite rue du château ainsi qu’un bureau et un atelier auxquels on ajoute une remise rue de Lisieux.

En 1905, la fromagerie est reprise par Joseph Larcher. Né en 1879 à Livarot, il est cafetier place Pasteur à Livarot, puis, il est déclaré comme Marchand de fromages. Il se marie avec Suzanne Leclerc née en 1882 à Laval (53). En 1911, Edmond Larcher né en 1851 à Saint-Ouen-Le-Pin (14) et sa femme Armandine, Rosalie Larcher (Petout) née le 13/04/1855 à Livarot travaillent ensemble à la fromagerie. La fromagerie devient alors Larcher-Petout ; entre les deux recensements la marque est déposée le 19 mars 1907 au greffe de Lisieux. [D 48 Petit fromage de Livarot déposé par la société Larcher, Petout et fils à Livarot. Imprimerie CH.Valin à Caen. Arch. I.N.P.I]

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Puis la fromagerie est rachetée par la maison R. Lenormand (Aucun document, car pas de recensement de 1911 à 1921). Nous avons une étiquette de fromage du Petit Lisieux R. Lenormand qui représente le bourg de Livarot avec un camion motorisé. Les prédécesseurs Larcher-Petout avaient la même étiquette mais avec une carriole attelée à un cheval.

Enfin en 1922, les époux Jules Lebailly né en 1870 à Ver (50) et Berthe Bouin née en 1883 à Lengronne (50) rachètent la fromagerie. Après le décès de son mari, de 1926 à 1953, Berthe Lebailly gère pendant un temps la fromagerie avec sa belle-sœur Alphonsine Lebailly. Elle a un fils Maurice et une fille Marie-Thérèse. Maurice ne travaille pas aux cotés de sa mère, mais reprend pour un court temps la fromagerie Deparis rue Delaplanche à Livarot. [Cette fromagerie de Livarot est connue sous le nom de Fromagerie de la Planchette, elle est construite par Isidore Deparis qui la cède en 1928 à Maurice Lebailly. Elle est vendue peu de temps après à Henri Cointepas et à son épouse]. Sources fournies par Michel Lebec. Quant à Marie-Thérèse, elle travaille avec sa grand-mère Berthe Lebailly.

Naissance de la fromagerie de Canapville (61)

Roger Colas, né en 1926 à Cosseville (14), exploite avec sa mère une ferme herbagère à Cesny-Bois-Halbout (14).

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Marie-Thérèse Lebailly née en 1930, habite chez ses parents à Saint Michel de Livet (14) dans une ferme qui affine déjà des livarots blancs. Roger Colas et Marie-Thérèse se marient en 1953. Rapidement, en 1954, ils décident de créer une laiterie à Canapville (61) qui se trouve à une dizaine de kilomètres de Livarot. La fromagerie est construite en bordure de la route Vimoutiers-Orbec non loin du carrefour de Pontchardon (61) et riveraine de la rivière la Touques. Le bâtiment se compose d’une maison pour le futur responsable de la fabrication et d’une pièce réservée pour le bureau. Dans cette fromagerie appelée désormais Colas-Lebailly sont produits des livarots blancs. Au début, le lait est collecté dans les fermes avoisinantes, puis on passe à quatre ramassages de lait par jour pour amplifier la production. Pour utiliser le petit lait des livarots blancs, Roger Colas-Lebailly fait construire des bâtiments en dessous de la fromagerie de Canapville ; ces bâtiments servent à l’élevage de porcs nourris avec ce petit lait et des céréales. Pour l’organisation de la fromagerie Roger Colas-Lebailly engage un Maître-fromager James Gilles et la laiterie emploie vingt personnes. Les livarots blancs fabriqués à Canapville sont acheminés chaque jour dans les caves centenaires à Livarot pour être affinés.

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Rue Lévesque, se trouve l’affinage dont voici les différentes étapes : salage, retournement et colorants des fromages blancs, puis pose de la laîche naturelle (remplacée plus tard par des bandes de papier). Ensuite, les fromages sont emballés dans un papier sulfurisé, puis mis en boites, celles-ci sont fabriquées juste à côté des caves dans les établissements Georges Leroy. En dernier lieu, les fromages sont rangés dans des caisses, puis ils sont expédiés sur les marchés environnants : Vimoutiers (61), Livarot, Saint Pierre sur Dives (14) les Halles puis Rungis et enfin New-York via Le Havre. C’est Marie-Thérèse Colas-Lebailly qui se charge de cette opération. Les livarotais peuvent aussi venir acheter directement les fromages au 47, rue de Lisieux. À partir de 1960, en plus des livarots entiers, la fromagerie fabrique des livarots ¾ et ½ et minis et également des pont-l’évêque en plusieurs formats, des grands, des demis, et des petits à 45% de matières grasses. Roger Colas-Lebailly tente même la fabrication du livarot à l’ail. Il décroche plusieurs médailles dont une médaille d’argent en 1969 et une médaille d’or en 1970 pour ses livarots au concours général agricole de Paris, un titre très convoité. Il envisage alors d’agrandir la fromagerie de Canapville, mais rencontrant différents problèmes, il cesse son activité en 1976.

Cependant, Roger Colas-Lebailly continue d’acheter des fromages non affinés à Rungis pour alimenter la fromagerie de Livarot, les différentes sortes de fromages sont vendues sur les marchés de la région. La laiterie Colas-Lebailly cesse définitivement son activité en 1985

Conservatoire des Techniques Fromagères de Normandie ou Musée du fromage de Livarot.

En 1986, Roger Colas-Lebailly loue ses caves au Conservatoire des Techniques Fromagères de Normandie. Cette Association est créée à l’initiative de Jean Froc, chercheur à l’Institut de recherche Agronomique. Le Conservatoire est inauguré le 20 février 1986 ainsi que le Musée National du Fromage à Saint-Pierre sur Dives (14) par le Docteur Jean Pierre Lacagne, alors maire de Livarot. Cet établissement se propose de réhabiliter des fabrications traditionnelles, il produit des camemberts et des Pont-L’évêque et il fonctionne de pair avec le Musée National du fromage dans les locaux de l’ancienne abbaye de Saint-Pierre-sur-Dives. Malheureusement, ces deux structures sont éphémères faute de budget de fonctionnement et cessent de fonctionner en novembre 2002.

En 2004, la fromagerie Thierry Graindorge transfère le conservatoire des techniques fromagères de Normandie dans un bâtiment construit à côté de sa laiterie à Livarot. Dans une pièce sont exposés et mis en valeur les ustensiles de la ferme servant à la transformation des produits fromagers. Puis, le visiteur découvre des ateliers fromagers (visites conseillées le matin) à travers un couloir de galeries vitrées. Cela permet de comprendre les différentes étapes de la fabrication des fromages normands depuis l’arrivée du lait jusqu’à l’emballage des fromages ; les camemberts, les livarots, les pont-l’évêque, le camembert au calvados, le grain d’Orge au calvados, le pavé d’Auge et le coulommiers, le Neufchâtel du Plessis. La visite se termine par un petit magasin où l’on peut acheter les différents fromages vus en fabrication et des produits du terroir. Ce nouveau musée qui reprend les outils du conservatoire des techniques fromagères de Normandie (que M. Roger Colas-Lebailly avait loué en 1986) permet ainsi de comparer l’ancien travail artisanal et le travail moderne, désormais, il valorise un patrimoine immatériel vivant de fabrication des fromages normands. En 2022, ce musée draine de nombreux et nouveaux touristes dans le Pays d’Auge et la région normande.

Sources : Fromages et fromageries du Pays d’Auge des années 1870 à nos jours. Page 39 Michel Lebec. Mille est une Etiquettes de fromages sélectionnées dans la collection Denis Morainne Daniel Bordet Editions Dabecom. Page 54. Quand «le Colonel» fait son livarot (Musée du Fromage de Livarot). Michel Deleu. LE LIVAROT de la viande de l’ouvrier au sélect colonel. Editions BVR, Véronique Herbault. Pages 55/56/57. Petit Fascicule de recherches sur la fromagerie Colas-Lebailly composé par Joseph Benoit, tyrosémiophile averti et historien local reconnu. Ce fascicule m’a été fourni par Gilbert Briançon. Un siècle d’activité en Pays Augeron ; Réédition du livret de l’exposition du Conservatoire des techniques fromagères réalisées en 1985. Textes : Jean Froc, M. Vivier, M. N. Vivier et cartes de S. Le Bigot. Archives numérisées du Calvados (recensements de 1856 à 1936, matrice cadastrale, état civil de la ville de Livarot). Généanet et Filae. Entretiens téléphoniques et courriers : Gilbert et Annie Briançon, Annie est la fille des époux Roger et Marie-Thérèse Colas-Lebailly. Gilbert Briançon effectue deux mandats de maire de Canapville de 2008 à 2020.

Joëlle Chéruel-Philippe [Camembert-Museum Première Publication le 21 avril 2022]

 

Date de dernière mise à jour : 07/05/2022