Coopérative de Bayeux (14)

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LAITERIE COOPÉRATIVE DE BAYEUX.  [VAUCELLES-BARBEVILLE 14Y]

Le Baron Maurice Gérard & la Ferme de Carel (Maisons) : Propriétaire à Maisons, près de Bayeux, dans le département du Calvados, d'un vaste domaine comprenant plusieurs fermes louées et une exploitation directe, le baron Gérard s'est adonné, pendant plus de trente ans, à la sélection de la race bovine Normande. Cette exploitation directe, dite la ferme de Carel, comporte une étendue de 110 hectares, dont 85 en herbages entretenus avec le plus grand soin et 25 hectares en terres de labour sur lesquels la culture est conduite suivant les méthodes les plus rationnelles; l'ensilage des fourrages verts pour la nourriture du bétail pendant l'hiver y est pratiqué depuis longtemps; pendant la période de guerre, le baron Gérard a été le premier dans la région à adopter l'emploi des tracteurs qui a permis, non seulement à Carel, mais dans les autres fermes lui appartenant, de labourer des terres qui seraient restées abandonnées et improductives. Dans toutes ces fermes, les bâtiments ont été appropriés à leurs destinations spéciales, et les encouragements ont été prodigués pour permettre aux exploitants de participer aux diverses formes du progrès.

Le troupeau bovin est le joyau de la ferme de Carel. Il se compose de 110 animaux (taureaux, vaches et leurs produits), tous inscrits au Herd book de la race Normande et nés sur le domaine. Sélectionné avec une méthode judicieuse et persévérante, en vue surtout de la production laitière, ce troupeau a valu à son propriétaire les plus légitimes succès. Aux concours de la prime d'honneur dans le Calvados, en 1909 et en 1923, des objets d'art lui ont été décernés pour son élevage. Au concours spécial de la race bovine Normande à Caen, en 1914, le prix d'ensemble, le prix de championnat des femelles, plusieurs premiers prix ont été remportés par le troupeau de Carel. En 1919, une vente publique aux enchères de quinze jeunes taureaux d'origine laitière remporta le plus grand succès. Il n'est pas d'association agricole, française ou étrangère, qui, parcourant la Normandie, ne se soit dirigée vers Maisons, pour visiter l'exploitation et la laiterie du baron Gérard, dont la réputation était devenue universelle. Des Américains y ont acheté des reproducteurs. Non content de ses succès personnels, le baron Gérard apporta sa part active à la fondation de la Laiterie coopérative de Bayeux, créée exclusivement par des cultivateurs de la région, et la persévérance de M. Vêtasse, professeur d’agriculture.

C’est ainsi que le 31 mars 1906, Louis Dubosq va fonder avec une poignée de personnes, une laiterie située sur les bords de la Dromme, à Vaucelles, à 3 kilomètres seulement de Bayeux. Le groupement comprend 230 coopérants ou sociétaires, disséminés dans un rayon de 10 kilomètres autour de la coopérative. 20.000 à 22.000 litres de lait sont traités quotidiennement. La fourniture de crème et la fabrication journalière de beurre peut atteindre les 1000 kilos. Une certaine quantité de crème double de première qualité est expédiée à Paris, dans les grands hôtels de la côte, ainsi qu’en Angleterre. La Laiterie coopérative emploie 10 ouvriers, elle dispose de 4 écrémeuses, de 2 bacs de maturation, l’un de 3000 litres, l’autre de 2000 litres, ainsi que de 2 barattes système Grassos, fabriquées en bois de teck et d’une contenance de 2000 litres.

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La force motrice lui est fournie par une machine à vapeur horizontale à détente de 50 chevaux. Les réfrigérateurs à saumure à double circulation sont alimentés par une machine frigorifique susceptible de produire 200 kilos de glace à l’heure. En 1913, les membres du bureau de la coopérative comprenaient entre autres : M. Louis Dubosq (président), M. Lalonde (Vice-Président et propriétaire à Monceaux), M. César Vautier (Vice-Président), M. Mazet (Secrétaire et propriétaire à Vaux-sur-Aure), M. Cauchard (Membre du Conseil d’Administration et Maire de Guéron), M. Jean Lamare (Membre du Conseil d’Administration et agriculteur à Vaux-sur-Aure) et M. Leverrier (Trésorier, propriétaire-agricuteur).

1923, au Concours International de Strasbourg, la Laiterie Coopérative de la Région de Bayeux, est récompensée dans la catégorie Beurres Centrifuges, et dans la catégorie fromages affinés camemberts hors concours. A l’occasion de cette même exposition,  M. Romain Châtel, le nouveau Président de la Coopérative de Bayeux est nommé Chevalier du Mérite Agricole. Parmi les récompenses obtenues au Concours Général Agricole de Paris notons les récompenses suivantes : Médailles d’Or pour son Beurre centrifuge, Paris : 1909,10,11,14, 35,37, Médailles d’Argent pour son Beurre centrifuge, Paris : 1909,1932, Médaille d'Argent pour son Beurre pasteurisé, Paris : 1954, Médaille d’Argent pour son Beurre laitier, Paris : 1954, Médaille de Bronze pour son Beurre extra fin, Paris : 1912, Médailles d’Argent pour sa Crème fraîche, Paris : 1926,1936,1937,1953, Médaille de Bronze pour sa Crème fraîche, Paris : 1935, Médailles d’Argent pour sa Crème pasteurisée, Paris : 1953,1980, Médaille d’Argent pour son Camembert cru 45 %, Paris : 1954.

1928, un groupe de visiteurs se rend en autocar à la Coopérative laitière et beurrière de Bayeux. Arrivé dès 7 heures du matin, le groupe visite l’usine, en compagnie de Monsieur Dubosq le directeur. Nous vous rapportons ici quelques impressions et détails de fonctionnement : « Nous sommes reçus par le directeur qui, grâce à notre arrivée matinale nous fait visiter l'établissement en plein fonctionnement. Le lait ramassé dans les fermes de la contrée est pesé et versé dans de grands bacs, filtré, chauffé puis acheminé vers les écrémeuses centrifuges. La crème, après avoir été pasteurisée, refroidie et ensemencée, va s'écouler dans des récipients qui alimentent des barattes malaxeuses d'où sort un beurre extra, immédiatement emballé pour l'expédition. Une partie du lait écrémé est retournée aux fermiers pour servir de base à l'alimentation des porcs et des jeunes veaux, l'autre va à la fromagerie attenante à l'usine d'où sortent fromages gras et maigres spécialités de la Normandie ».

1929 La bourse Américaine s’effondre, des milliers de petits actionnaires sont ruinés, des banques sont en faillite, d’autres sont victimes de retraits massifs. Les liquidités manquent, entrainant une baisse  des investissements industriels, et une forte chute de la consommation de produits manufacturés et agricoles. La crise touche le monde entier. La livre anglaise perd 40 pct de sa valeur. Dans l'agriculture, déjà en crise depuis une décennie, la baisse atteint 65 pct pour les prix de gros des denrées agricoles. Conséquence logique de la surproduction des années 1920. La France est touchée à son tour. Les cours du beurre s’effondrent. Cependant, la Coopérative Agricole Laitière de la Région de Bayeux résiste tant bien que mal, grâce aux décisions prises quelques années plus tôt de diversifier la production de l’usine, en y introduisant la fabrication de fromages et principalement le camembert. Cette année-là, la Laiterie Coopérative de Bayeux transformait selon les saisons entre 15500 et 33000 litres de lait quotidiennement.

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Le 1er janvier 1937, la Laiterie Coopérative de la Région de Bayeux mettait en adjudication les tournées de ramassage du lait qui étaient divisées en quatre secteurs : (1) Ramassage par camionnette de la région de Longues-sur-Mer, Commes, Hupain, Route de Port-en-Bessin & Bayeux. (2) Ramassage par camionnette de la région de Ryes, Tracy-sur-Mer. (3) Ramassage par voiture à Cheval de la région de Sommervieu, Saint-Sulpice, Saint-Vigor. (4) Ramassage par voiture à cheval de la région de Le Manoir, Esquay-sur-Seulles, Saint-Vigor.

1939, La Seconde Guerre Mondiale éclate. La France se débat toujours dans la crise financière. Nous n’avons malheureusement que très peu d’informations sur le fonctionnement de la coopérative pendant la guerre. Peut-être que certains lecteurs pourront nous éclairer sur le sujet.

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En 1956, selon Philippe Jacob, qui a travaillé sur le sujet, la collecte annuelle avoisine les dix millions de litres de lait. En 1962, la zone de ramassage est étendue au Pays d’Auge et certains secteurs du département de l’Eure. Un camion-citerne de 6000 litres se charge de la collecte dans cette nouvelle zone.

En 1968, la Coopérative Laitière emploie 135 personnes, le nombre de ses sociétaires est de 800, dispersés dans le Bessin et le Pays-d’Auge. En 1973, la Laiterie Coopérative de Bayeux adhère à l’Union Laitière Normande. C'est alors le début de la fin d'une belle histoire. Fermeture de l’usine en 1980. Aujourd’hui, l’ancienne laiterie-beurrerie accueille plusieurs entreprises locales. [PS : Une version plus complète de cette notice, et plus d'images seront publiés après transfert dans Historiques Normands]

Serge Schéhadé [Camembert-Museum, le 13 janvier 2017, d'après des documents des Archives et de la presse régionale]

Date de dernière mise à jour : 18/02/2020