Fromagerie de Villodon, Tournay-sur-Odon (14)

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GRANDE FROMAGERIE DE VILLODON [TOURNAY-SUR-ODON 14]

Villodon est un des huit hameaux constitutifs de la commune de Tournay-sur-Odon, créée comme toutes les communes françaises à la Révolution, à partir de trois anciens fiefs seigneuriaux dont celui de Villodon. La commune comptait alors plus de 800 habitants. L'exode rural de la fin des années 1950, réduisit la population à 200 habitants, elle fut repeuplée grâce aux rurbains pour atteindre 350 habitants aujourd'hui. Les seules richesses de la commune étaient la force hydraulique de l'0don, ses prairies riches en alluvions et l'extraction de calcaire pour la production de la chaux. Il y eut donc plus de huit fours à chaux et deux moulins sur la commune. Seul celui de Villodon subsista car son bief artificiel permettait de créer une chute d'eau de plus de 3 mètres. Les propriétaires de la fromagerie de Villodon installèrent une turbine sur cette chute, qui alimentait en courant continu l'usine ainsi que le hameau de Villodon. Ce fut aussi la raison pour laquelle les allemands l'investirent en 1944, afin que les alliés ne se servent pas de l'électricité produite pour leurs communications et la saccagèrent en partie. Voilà pour l’histoire des lieux. À la consultation de la presse ancienne, voir le Bonhomme Normand, édition du 16 avril 1909, on apprend que le moulin de Villodon est mis en vente. Voici l’annonce telle que parue dans le journal : « Etude de M° Bazin, greffier de paix à Villers-Bocage. À vendre de gré à gré L'ancien moulin de Villodon sis à Tournay Comprenant : 1° Vaste construction en très bon état, située sur le bord d'une route et de la rivière l'Odon, pouvant convenir pour l'installation de toute espèce d'industrie, notamment d'une fromagerie ou d'une fabrique de beurre. Forte chute d'eau. 2°Bâtiments d'habitation, écuries, remises. 3° Prés et herbages, dont une partie plantée de pommiers. Le tout d'un seul tenant d'une contenance de 3 hectares. Ces immeubles sont à trois kilomètres d'une gare. Entrée en jouissance dans les 6 mois de l'acquisition. Pour traiter, s'adresser à M° Bazin ».

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Nous n’avons trouvé à ce jour aucun document qui atteste de façon formelle le nom du ou des acquéreurs, mais l’on peut supposer qu’il s’agit de Monsieur Eugène-François Bosseur et de Monsieur Henry-Georges-Louis Hue. Le 06 novembre 1917, soit huit ans après l’aquisition des terrains et bâtiments sur le site de l’ancien Moulin de Villodon, les deux associés forment une société en nom collectif, qui portera le nom de « Établissements du Bocage Normand - Grande Fromagerie de Villodon »

Formation de la société, Etude de M° Lévèque, notaire à Villers-Bocage.

Suivant acte reçu par M° Ch. GUERRIER, suppléant M° LEVÊQUE, notaire à Villers-Bocage, le 6 novembre 1917. Monsieur Eugène-François BOSSEUR, propriétaire, demeurant à Brettevillc-l’0rgueilleuse. Et Monsieur Henry-Georges-Louis HUE, ancien directeur de fromagerie, demeurant à Saint-Laurent-sur-Mer. Ont formé entre eux une société en nom collectif ayant pour but : L'acquisition du lait, la fabrication des fromages, la transformation du lait sous toutes ses formes, la vente du lait, de ses produits transformés, de tous succédanés, sous-produits et d'une manière générale la fabrication, le commerce de tous dérivés et de toutes matières s'y rattachant directement ou indirectement, ainsi que l'élevage et l'engraissement des porcs. La société pourra faire également toutes opérations do fabrication de produits céramiques ou industrie s'y rattachant. La durée de cette société est de dix années et huit mois qui ont commencé à courir le 1er novembre 1917 et expireront le Ier juillet 1928. Le siège de la Société est à Tournay-sur-Odon, dans l'établissement de Villodon. La raison et la signature sociale seront BOSSEUR et HUE, mais la Société prend pour titre et sous-titre : Etablissements du Bocage Normand - Grande Fromagerie de Villodon. La signature sociale appartiendra indistinctement à chacun des associés mais il ne pourra en être fait usage que pour les besoins do la Société. Les fonds qui seront eu dépôt dans les établissements de crédit pour le compte de la Société pourront être retirés sur la signature BOSSEUR et HUE, par chacun d'eux séparément. Les affaires de la Société seront gérées et administrées par les deux associés avec des pouvoirs égaux. Chaque associé pourra notamment traiter, transiger, compromettre, donner tous désistements et main levées après ou avant paiement; exercer toutes actions judiciaires ou y défendre, représenter la Société dans toutes faillites ou liquidations judiciaires, souscrire, accepter, endosser on acquitter tous effets de commerce. Les acquisitions immobilières qui pourront être faites pour le compte de la Société ou les reventes do ces mêmes immeubles devront être acceptées par les deux associés conjointement. Le capital social est fixé à la somme de : Trente mille francs qui seront fournis par moitié et en espèces par chacun des associés, à la date du 15 novembre 1917. Si un inventaire constate la perte des deux tiers de l’actif social existant ou résultant du premier Inventaire ou si deux ou plusieurs inventaires se soldent ensemble par la perte des deux tiers du même Actif, chacun des associés aura le droit d'exiger la dissolution de la société mais seulement dans le mois de la clôture de l'inventaire ou des inventaires qui auront constaté cette perte. Le décès d'un des associés entraînera de plein droit la dissolution de la Société. L'associé survivant aura la faculté, s'il le désire, de devenir propriétaire do tout l'actif de la Société sans exception ni réserve. L'incapacité physique d'une durée d'au moins un an de l'un des associés entraînera également la dissolution de la Société, si l'autre associé l'exige et ce dernier aura alors la faculté de devenir propriétaire de tout l'actif de la Société. À l'expiration de la Société et on cas de non prorogation, la liquidation sera faite conjointement par les deux associés. Pour Extrait : Signé Ch Guerrier. Deux expéditions dudit acte de Société ont été déposées l’une au greffe de la justice de paix de Villers-Bocage, le 21 novembre 1917, et l'autre au Greffe du Tribunal de Commerce de Caen, le 23 novembre 1917. Pour mention : Signé : Ch. GUERRIER.

En 1918, (25-02) les deux associés Bosseur et Hue déposent deux marques de fromage : Camembert « le Renard » & « le Villodon ». En 1922, un diplôme d’honneur est décerné à Monsieur E. Bosseur et Hue, de Villodon (Calvados), dans la catégorie fromages, au Concours Agricole de Nevers.

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L’entreprise prend rapidement de l’essor et en 1923, probablement au 2ème trimestre de cette année-là, la fromagerie de Villodon est cependant rachetée par Madame LePetit et Monsieur André Fortin. Elle prend alors le nom de Fromageries de Villodon et de Cheux Réunies. (Voir papiers à en-tête des trois propriétaires successifs). Après la vente, dont on ignore les vraies motivations, probablement des désaccords entre les associés ? Monsieur Bosseur, habitant 11, rue du Docteur Rayer à Caen, va rejoindre, en tant que Directeur, la fromagerie de Saint-Hilaire de Briouze, dans l’Orne, et déposera le 22 octobre 1923, les trois marques de fromages suivantes, que les tyrosémiophiles connaissent bien, il s’agit de « l’Etendard Normand » « le Fin Normand » & « Le Grand Saint-Hilaire »

De petites annonces parues dans la presse locale nous apportent des éclaircissements sur plusieurs points ; comme par exemple l’annonce parue le 14 août 1923, dans l’Ouest-Eclair « ON DEMANDE à la FROMAGERIE de VILLODON UN B0N CHEF DE LAITERIE célibataire ou marié, connaissant à fond la Fabrication et l'EMPRESSURAGE. S'adresser à M. André FORTIN. Saint- Pierre-sur-Dives (Calvados). SERIEUSES REFERENCES EXIGEES ». Cette annonce confirme le nom des nouveaux acquéreurs. Le 30 novembre 1923, la fromagerie recherchait un forgeron. Le 21 décembre 1923, on pouvait lire dans le Bonhomme Normand « On demande un chef d’emballage très expérimenté, ainsi qu’un garçon d’écurie très sérieux pour soigner 20 chevaux. Bons appointements, logés et nourris, mariés ou non, s’adresser à la Fromagerie de Villodon, à Tournay-sur-Odon, par Villers Bocage, Calvados ».

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En 1926, on collectait 14 000 litres de lait/jour. En 1927, nous savons que c’était Monsieur Louis-Jeanne qui était le directeur de la fromagerie de Villodon. Cette même année au printemps, la fromagerie de Villodon s’engageait à déverser 10.000 alevins de truite, à titre de dommage causé à la rivière par suite du déversement résiduaire, constaté par le procès-verbal du  4 septembre 1926.

En 1929,  «Le Villodon » obtient la médaille d’or au Concours Général Agricole de Paris et suite à ce succès l’usine est agrandie vers 1930 (voir photos quai et hâloirs). À cette époque, le chef fromager s’appelle Pierre Voisin, c’est lui qui quelques années plus tard va créer sa propre fromagerie à Évrecy. Les autres récompenses : Médailles d’Or pour son Camembert 45 %, Paris : 1922,1929, 1939, Médailles d’Argent pour son Camembert 45 %, Paris : 1921,1927,1935,          

Parmi les employés on peut citer les noms de Monsieur François Morin (29 ans), chauffeur à la fromagerie LePetit et Fortin, (1936). Suite à un fait divers lu dans la presse locale, on connait le nom de deux jeunes manœuvres de la fromagerie Lepetit et Fortin, il s’agit de Huet André (25 ans) et Gervais Pellerin (19 ans) en 1938.

 

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En 1939, déclaration de la guerre et mobilisation du dirigeant Monsieur Fortin. En son absence, la situation se dégrade rapidement, c’est alors que Marcel Tabard, industriel à Audrieux, dans le Calvados, va racheter l’usine. Il la fait fonctionner jusqu’en mai 1944 avec 40 ouvriers. Lors du débarquement, les tankistes allemands y séjournent, la détruisent en partie et la fabrication s’arrête définitivement. En septembre 1944, l’activité de ramassage reprend avec 48 litres/jour, lait qui est transféré à l’usine d’Audrieu, qui va désormais fabriquer le fameux « Villodon ».

Autres annonces parues dans la presse locale : En 1942 (24-08) (l’Ouest-Eclair) On demande un PORCHER et un AIDE-JARDINIER munis de sérieuses références. Fromagerie de Villodon à Tournay-sur-Odon, par Villers dans le Calvados. Même année, annonce parue dans ce même journal : « On demande une cuisinière, un porcher, un aide-jardinier, nourris et logés, sérieuses références exigées, fromagerie de Villodon, à Tournay-sur-Odon, par Villers-Bocage (Calvados).

En 1964 le groupe SAPIEM rachète les sites de Villodon et d’Audrieu à la famille Tabard et décide de transformer le site de Villodon en centre de collecte de lait. Pour ce faire, toutes les anciennes porcheries sont détruites ainsi que divers bâtiments comme la chaufferie, des lieux de stockage et les garages. On créa une unité de refroidissement avec une capacité de stockage de 100 000 l et un logement pour le responsable du site (Voir photo des camions, des P 55 Citroën repeints aux couleurs de Préval alignés dans la cour ) et ( photo des tanks à lait). Le site collectait journellement 45 000 l/j auprès de 550 producteurs. Il servit à alimenter la laiterie de Carpiquet , la laiterie Voisin et l’usine d’Audrieu. En 1969 c’est la fermeture définitive du site ainsi que de l’usine d’Audrieu. Le site resta à l’abandon un certain temps avant d’être vendu en 2 lots à des particuliers. Le propriétaire du lot contenant le logement de fonction fit raser le quai et les hâloirs

Par Pierre Marie (petit-fils de Marcel Tabard) [Camembert-Museum, première publication le 11-04-2016]

Date de dernière mise à jour : 13/04/2020