Lallier Albert (Fervaques 14)

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Fervaques est un charmant village de 725 h enclavé dans la vallée de "La Touques" fleuve de 108 km qui traverse le village et se jette dans la Manche. La Touques est la première rivière de France pour la pêche à la truite de mer en raison de la qualité de ses eaux. Rien d’étonnant donc à ce que sur son cours un pisciculteur élève actuellement des truites "arc en ciel". Des activités textiles (étoffes de laine ou "frocs") ont assuré la prospérité économique de la commune au XIX siècle. Une ancienne prison édifiée en 1733 par Anne-Jacques de Bullion, Marquis de Fervaques, se trouve sur la place du village, près d’une très jolie fontaine en pierre de Caen. 

FROMAGERIE ALBERT & SOLANGE LALLIER, FERME DE LA MOISSONNIÈRE, FERVAQUES (14) par Joëlle Chéruel-Philippe.

Albert Lallier (1921-2002) est né à Fervaques à la ferme de ses parents "La Moissonnière". Son épouse Solange Lamy (1923-2018) était originaire de Saint-Pierre-des-Ifs (14). Ils se marient le 12 octobre 1942 à Fervaques (14). De 1942 à 1950, Albert Lallier travaille à la ferme du " Poirier" non loin de "La Moissonnière" chez ses beaux-parents Marie-Jeanne Piavant (1894-1961) née au Pré-d’Auge (14) et son époux en secondes noces Henry Leliévre  (1891-1961) né à Lessard le chêne (14). Ces derniers exploitent la ferme du "Poirier" depuis les années 1920 où ils pratiquent la polyculture, et emploient 17 personnes. Ils y ont également fabriqué du pont-l’évêque commercialisé aux Halles de Paris, leurs produits étaient expédiés au départ de la gare de Lisieux. La qualité de leurs productions leur a valu une médaille de vermeille à Livarot en 1927 et une médaille d’argent en 1931 au Concours Général Agricole de Paris. En plus de son exploitation et de la fromagerie Henry Leliévre a été maire de Fervaques de 1937 à 1953.

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Leur fils Roger Leliévre (1926-2006) et son épouse Jeanne Lecornu mariés à Hermival-les-Vaux (14) le 14 octobre 1947 associés à leur voisin Daniel Girot reprennent la ferme du Poirier, et poursuivent la fabrication du pont-l’évêque. Cette association va durer de 1960 à 1970. Pour revenir à Solange Lallier, elle a été initiée à la fabrication du pont-l’évêque par sa mère Marie-Jeanne Lamy (1894-1961) quand avec son premier mari ils exploitaient la ferme "la Vigne" mitoyenne de "La Moissonnière". Jean Lamy (1920-2006), le frère de Solange reprendra lui-même la ferme de "La Vigne" de 1947 à 1970 perpétuant ainsi la tradition familiale de fabrication de Pont-Evêque.

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Avec chacun leurs propres expériences, Albert et Solange reprennent "la Moissonnière" en 1950 qui leur est léguée par les parents d’Albert, Paul Lallier (1892-1967) et son épouse Marguerite Cuiller (1889-1977). Des parcelles supplémentaires sont louées à différents propriétaires et l’exploitation passe de 50 ha à 100 ha entre 1950 et 1978.

En 1950 la production laitière est assurée par un troupeau de 50 vaches laitières composé au début exclusivement de vaches normandes. Puis progressivement sont ajoutées des Prim’Holstein (ces vaches produisent plus de lait que les normandes ; mais leur lait est plus faible en matière grasse)        augmentant ainsi le cheptel de vaches laitières. Les ¾ de la superficie de la ferme sont utilisés en pâturages, le reste en labours.

La production laitière annuelle en 1950 est de 100.000 litres de lait et elle passe en 1978 à 500.000 litres de lait. Toute la production de lait est transformée exclusivement pour la fabrication du pont-l’évêque et de la crème. Albert Lallier et son épouse emploient sept personnes à plein temps pour les travaux des champs et la fromagerie. Le nombre de pont-l’évêque de 360gr et 200gr est d’environ 30.000 pour l’année 1950 et ce nombre progresse jusqu’à 150.000 pour l’année 1978. La crème crue est conditionnée en seau de 5 litres et elle est vendue par les détaillants sur les marchés et dans les épiceries. Albert et Solange obtiennent de nombreuses médailles au Concours Général à Paris.

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Médailles d’Or pour le pont-l’évêque fermier cru 50% en 1962, 65, 67, 75,77

Médailles d’argent pour le pont-l’évêque fermier cru 50% en 1963, 66, 68, 70, 71, 72, 75,78

Médaille de bronze pour le pont-l’évêque fermier cru 50% en 1967, 70,71

Médaille d’Argent pour le pont-l’évêque Fermier cru 48% en 1960,1963.

La fabrication s’effectue tous les jours, matin et soir.

Tout le lait est acheminé de la salle de traite par bidons de 20 litres à la fromagerie, elle occasionne une manutention pénible pour les employés. Les livraisons quotidiennes sur les marchés environnants sont effectuées par Solange. Une tournée est organisée pour les épiceries sur la côte normande et pour la Coopnor (coopérative normande) à Rouen (76). Des épiceries locales sont livrées sur Fervaques (14), Livarot (14), Pont-l’évêque (14), Lisieux (14), etc. Une partie des fromages est mise en dépôt à la laiterie Graindorge à Livarot (14). Celle-ci livre par camions sur de plus longues distances Rungis (94) et des fromagers affineurs M Jannier à Lyon (69), M Philippe Olivier (62), M Leroux à Rouen (76) M Barthélemy Paris 7eme avec une succursale à Fontainebleau (77) etc.. Dans toute la France.

En plus de leur activité fromagère, Albert et Solange élèvent des bœufs jusqu’à trois ans et gardent les génisses pour le renouvellement des vaches laitières. Ils élèvent aussi des porcs alimentés avec le sérum du fromage mélangé à de la farine d’orge. Ils vendent les porcs à la maison Jacquin à Surville (14) et Pien et Glasson à Lisieux (14). Ils ont deux chevaux et une jeep qu’Albert a récupérée après la seconde guerre mondiale. Cette jeep est utilisée pour les travaux de la ferme ; elle est modifiée pour pouvoir être utilisée sur tout le matériel agricole. La jeep est remplacée en 1955 par un tracteur Massey-Fergusson "le Petit Gris".

Une source captée sous le local de la fromagerie alimente deux bassins ; celle-ci coule ensuite à l’extérieur de la fromagerie vers le lavoir. Vers les années 1960-65 la fromagerie est raccordée au réseau d’adduction d’eau du village.   

C’est Albert Lallier qui imagine et dessine les étiquettes de fromage : on y voit des pommiers, des vaches, une assiette avec du fromage, du cidre et surtout le slogan très avant-gardiste "De nos prairies….à votre table" préconisant le circuit court qu’il initie dès 1950. En tant que  producteur fermier, il pratique un cycle d’élevage qui lui assure du lait nécessaire à la fabrication artisanale des fromages. En 1978, le couple s’associe avec leur fils Didier et forment la « G.A.E.C. La Moissonnière." En 1986, Albert et Solange Lallier font valoir leurs droits à la retraite et cèdent leur exploitation ainsi que la fromagerie à leur fils Didier.

Entretiens : Didier Lallier : septembre, octobre 2018, mars 2019.

Sources : Michel Lebec : fromages et fromageries du pays d’Auge des années 1870 à nos jours pages 146/147.

Johannes Rosenplänter : entre Agriculture et Industrie textile. Trois paroisses au sud Pays d’Auge  de 1600 à 1800 (La Chapelle-Yvon, la Cressonnière, La Croupte)  page 324.

Le patrimoine des communes du Calvados ; Basse-Normandie. Éditions Flohic page 1101.

Joëlle Chéruel-Philippe  [Camembert-Museum, le 18 avril 2019]  

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 30/04/2019