Lepelletier, Carentan (50)

50 Lepelletier (entete 2)

BEURRERIE LEPELLETIER JOACHIM [CARENTAN 50]

La renommée de cette maison était mondiale. A l’origine c’est une affaire de famille créée par Joachim Lepelletier à Sainte-Mère-Eglise en 1830. Pour des raisons économiques liées aux exportations, l’entreprise déménage et s’installe à Carentan. Pour la seule année 1869, trois cent navires vont quitter le port de la baie des Veys, en direction de la Grande Bretagne, chargés de beurre salé, d’une valeur de 13,000,000 de francs. La maison Lepelletier employait cette année-là 30 ouvriers. La maison s’approvisionnait en beurres fermiers sur les marchés de Saint-Lô, Carentan, Périers, Sainte-Mère-Eglise mais aussi dans les départements de l’Orne et du Calvados, pour satisfaire la demande de nos voisins anglais.

Une fois arrivés à l’usine, Les beurres achetés sont manipulés en recevant une quantité de sel proportionnelle à leur qualité.Normalement 5 à 8 pour cent de sel. Ce beurre était expédié à cette époque en barils, en boîtes et en pots, par des bateaux à vapeur, à voiles et par le chemin de fer. On estime les quantités de beurre expédiées annuellement à une moyenne de 1000,000 barils, renfermant 2,700,000 kilos de beurre salé. Le salaire des employés s ‘élevait à 3 francs par jour . La fabrication de 100,000 barils nécessite le travail de 70 ouvriers tonneliers, les cercles sont confectionnés à l’extérieur de l’usine. Quant aux boîtes et aux pots elles sont employées en trop petites quantités pour être mentionnées. La maison Lepelletier dépense chaque année entre 6 et 7000 francs pour l’achat de calicot pour couvrir boîtes et pots. Monsieur Lepelletier emploie pour ses transports deux voiliers et pendant cinq mois de l’année un troisième.

En 1868, la maison a exporté 2,714,283 kilos de beurre, à un prix moyen de 3f95 le kilo, soit un chiffre d’affaires de 8,400,705 francs. La qualité du travail et des produits est récompensée par une médaille obtenue à l’Exposition Universelle de 1867, ainsi qu’une médaille d’argent à l’Exposition Internationale du Havre en 1868. Après la Guerre franco-Prussienne ou Guerre de 1870, la maison Lepelletier prend encore plus d’importance. Dès 1890, M. Pelletier va adjoindre à sa beurrerie une laiterie-fromagerie qui prend le nom de Société Fermière, sise rue Moselmann pour la fabrication du lait stérilisé, du camembert et du Port-Salut. Entre 1893 et 1895, la surface du bâtie est portée à 20,000 mètres carrés. Une voie ferrée reliait la gare à l’usine, au cœur de laquelle les wagons pénétraient chaque jour.

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En juin 1898, Joachim Lepelletier décède. Son fils Théodore et sa fille Élisabeth qui deviendra en 1900 Madame Lécuyer prennent la direction de l’usine. La maison emploie plus de 350 personnes, traite entre 30,000 et 50,000 kilos de beurre par jour, avec deux cent chevaux, 100 voitures, trois grands navires à voile : Le Gustave, Le Saint-Marcouf, L’Eugénie, un remorqueur à vapeur nommé l’écureuil. En ce tout début du 20ème siècle la Maison Lepelletier est dans le domaine du lait et du beurre l’une des plus importantes de France.

En 1904, Mme Lécuyer devient la seule propriétaire. Son frère Théodore Lepelletier prenant la direction d’une briqueterie, achetée par Joachim Lepelletier au début du siècle à des artisans belges. En plus du beurre fermier acheté sur les marchés, la maison ramassait le lait dans les fermes à l’aide de voitures hippomobiles et par camions-auto. De nombreux cultivateurs livraient eux-mêmes leur lait à la laiterie, qui avait aussi son propre troupeau de vaches laitières. Une certaine quantité de lait était homogénéisé selon les procédés de Mme Lécuyer. L’homogénéisation était un procédé purement mécanique ayant pour résultat d’émulsionner finement et définitivement la matière grasse empêchant la montée de la crème. Ce lait ainsi traité, était vendu dans de nombreuses pharmacies en France et à l’étranger. Charcot, le célèbre explorateur en emporta lors de ses expéditions au Pôle Nord et donna même le nom de « Pointe Lécuyer » à une partie des terres explorées.

Le rayon des exportations continue de s’étendre à de nombreux pays et tout particulièrement le Brésil. Le camembert est commercialisé sous deux marques : « Le Yacht » étiquette représentant un voilier filant toutes voiles dehors, connue par les tyrosémiophiles, et la marque « Notre-Dame de Carentan ». En 1923, la maison Lepelletier est reprise par l’American Milk Produce Company, devient la Société Gloria, qui va abandonner la vente de beurre, ramassant jusqu’à 50 millions de litres de lait par an, pour produire 100 millions de boites de lait condensé Gloria.

Serge Schéhadé [Camembert-Museum, première publication le 02 juin 2021]

 

Date de dernière mise à jour : 02/06/2021