Vautier Pierre (Messei 61)

FROMAGERIE VAUTIER "LES HOUSSAYES" [MESSEI 61]

Paul Vautier, né à Montilly sur Noireau en 1879, a été tué le 3 octobre 1914  à Courcelles le Comte (62) lors de combats  dits de « la course à la mer ». Sa femme Thérèse Prime  (1881-1949) a donc élevé seule ses 4 enfants au bourg de Saint Hilaire de Briouze.

Le second, Pierre (1906-1982) épouse en 1930, Simone Cordier (1907-1986), fille d’un boucher d’Honfleur (14). Il acquiert en 1933 à Messei le domaine des Houssaies qui, outre les bâtiments de ferme et d'habitation, comporte 30 hectares de terres agricoles.  Marécageuses ou très humides, ces terres se révèlent difficiles à mettre en valeur sur le plan agronomique. Pour diversifier les productions de la ferme, Pierre décide de s'engager dans la production de fromages avec l'aide de son jeune frère Robert  qui a appris le métier à Fougères (35). Le démarrage de cette activité se fait dans une remise avec les moyens du bord tant sur le plan financier que matériel à raison d'une cinquantaine de fromages chaque jour.

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Photo de la fromagerie Vautier, le Domaine des Houssaies dans les années 1950.

Dès 1935, l'activité prend son essor. Le déménagement de la fromagerie dans un bâtiment plus grand permet d'améliorer la productivité et d'atteindre 300 fromages par jour. La période de la seconde guerre mondiale,  l'occupation allemande  et son cortège de difficultés et de restriction   en tout genre engendrent inévitablement une période de stagnation. Ce n'est qu'au début des années 1950 que la reprise se concrétise avec l'appui de son fils Jacques (1931-2015)  qui vient de terminer ses études à l'école de l'industrie laitière de Mamirolles (25). En 1951 une porcherie de 100 à 150 places est construite pour valoriser les sous-produits de la fromagerie. Le nombre de porcs alimentés pour partie avec le sérum varie en fonction des cours sur les marchés. 

Les locaux s'avèrent trop exigus pour une production qui ne demande qu'à s'étoffer. En 1953, des bâtiments neufs sortent de terre. Mieux adaptés ils facilitent immédiatement la fabrication qui atteint les 1000 fromages quotidiens. En 1965, après des hésitations liées à la conjoncture économique, deux extensions complètent l'équipement et la production atteint 1500 fromages par jour.

Pierre vautier en 1945 au bureau de la fromagerie

Pierre Vautier dans les bureaux de la fromagerie en 1945. (Au milieu des années 1930, M. Vautier était secrétaire du Syndicat Agricole de Messei, et de 1947 à 1953, il fut élu maire de cette même commune.

Pour soutenir cet accroissement de production, le ramassage de lait est effectué dans les fermes des communes voisines: Le Chatelier, Banvou, Saint André de Messei et Echalou. Les circuits de collecte d'une cinquantaine de kilomètres sont effectués avec des camions Renault au début des années 50 puis plus tard avec un camion Ford embarquant 77 bidons et une Peugeot 403 camionnette emportant 42 bidons. En été chaque tournée permet de collecter 5000 l de lait alors qu'en hiver ce ne sont que 3200 l qui sont rapportés à la fromagerie.

A la fin des années 60, pour diminuer les coûts liés au ramassage, la construction d'une stabulation est engagée. L'objectif est de subvenir au mieux aux besoins en produisant l'équivalent du tiers du lait traité chaque jour. Entre 900 et 1000 litres de lait sont écrémés chaque matin. Les 60 litres de crème  produits quotidiennement sont stockés et vendus chaque semaine à une laiterie pour la fabrication de beurre.

Au bout d’une quinzaine de jours les camemberts fabriqués sont répartis en 3 catégories. Ceux dit de «surchoix» sont mis en caisse par 24,  par 36 pour ceux destinés au commerce de détail, et par 60 pour la vente en gros. La distribution de proximité  dans les épiceries, les magasins, les hôpitaux  ainsi que les usines et les collèges n'assure pas des débouchés suffisants et stables. La vente est donc prioritairement  orientée  vers différents mandataires  et commissionnaires  des Halles à Paris: Dessally-Rouselle,Chauvière-Roy & Cie , Bigot, Tissandié-Tuscher, Sarradin, Delmotte. Ce sont ces derniers qui assurent les débouchés réguliers et stables pour la fromagerie mais avec la marge financière la plus étroite. Les expéditions sont effectuées principalement par trois entreprises de transport: Bailleul de Flers et Alamassé Bulle  & Cie de Vire, Degieux & Cie à Paris.

La fromagerie vautier

Pierre Vautier devient, au tout début des années 60, actionnaire de Bolaidor l'entreprise de fabrication de poudre de lait implantée à Saint-Hilaire-de-Briouze.

En 1968 pour assurer l'ensemble des tâches liées à la production la fromagerie emploie 6 ouvriers. Toujours avec le statut de salarié, Jacques  Vautier prend la suite de son père et assure la direction de la fromagerie. Cependant Pierre garde la main sur l'exploitation et sur la comptabilité. Comme pour nombre de fromageries familiales, la rentabilité économique est toujours sur le fil du rasoir dans le contexte du marché concurrentiel  qui favorise en cette fin des années 60  les fromageries industrielles.  La production de  masse à coût réduit étrangle les plus petites structures. Leurs marges deviennent de plus en plus étroites et l'équilibre économique de plus en plus délicat à préserver. Un simple calcul permet de  s'en rendre compte rapidement. Un camembert  revient en 1968 entre 1F20 et 1F30. Il n'est vendu que 1F57 (HT) pour la production courante et 2F pour le surchoix. A cette  époque l'intérêt pour les  produits du terroir, et la recherche de leur authenticité restent confidentiels.

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Pour diminuer les coûts liés au ramassage, la construction d'une stabulation pour vaches laitières est engagée. L'objectif est de subvenir au mieux aux besoins de la fromagerie en produisant l'équivalent du tiers du lait traité chaque jour. Ce projet ne donne pas les résultats escomptés. La décision de cesser l'activité est prise en 1969. La clientèle de fournisseurs de lait est rachetée par la fromagerie Vallée du Grand Béron à Clécy. Jacques Vautier trouve un emploi à la fromagerie Vallée de Saint Georges des Groseillers qu'il quitte au bout de deux ans pour un poste chez Ferrodo où il achèvera sa carrière professionnelle.

Sources : Monographie de la fromagerie des Houssaies avril 1968. Michel Prime.Entretien avec Madame Thérese Vautier épouse de Jacques, et Antoine Vautier son fils. 2016. L'esprit camembert G. Roger-Gervais  2005.


Gérard Clouet [Camembert-Museum, le 19 novembre 2016, première publication]

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 10/08/2017