Vautier Robert (Alençon 61)

Archives Robert Vautier-1nv

VAUTIER ROBERT, LAITERIE, FROMAGERIE, ÉPICERIE [ALENÇON 61] par M. Gérard Clouet.

À 6 ans, Robert Vautier (1909-1987) se retrouve orphelin, son père Paul Vautier, né à Montilly sur Noireau (61) en 1879, ayant été tué le 3 octobre 1914 à Courcelles le Comte (62) lors des combats  dits de « la course à la mer ». Sa mère Thérèse Prime (1881-1949) va donc élever seule ses quatre enfants à Saint Hilaire de Briouze (61). En 1928, il quitte la ferme tenue par sa mère quand sa sœur aînée se marie et s'y installe. Il apprend alors le métier de mécanicien. C'est avec cette qualification qu'il est employé d'août 1928 à mars 1929 à la fromagerie du domaine de Bois Belleray à Martigné sur-Mayenne (53) puis pendant les six premiers mois de l'année 1931 par Marcel Tabard à la fromagerie du Moulin de Taillebosq à Audrieu (14). Il y est en charge de l'entretien et de la réparation des camions en contrepartie de quoi il reçoit un salaire mensuel de 1000F (581€) logé et nourri. Il va y contracter la passion du lait et du fromage, au point de devenir ensuite chef fromager à la fromagerie Godefroy d'Orbec (14) d'août 1931 à la fin de 1933.

Il se marie en 1934 avec Andrée Camus (1909-1995), dont le père est boucher au Sap (61). Il va mettre à profit ses compétences de fromager acquises sur le tas pour aider son frère aîné Pierre (1906-1982) qui s'est installé dans un ferme à Messei (61) au lieu-dit « Les Houssaies ». Robert y développe la fabrication de fromage et de beurre. Les premières étiquettes de camembert produit à Messei au nom de « Vautier frères » témoignent de cette association. Faute de pouvoir bénéficier dans le régime agricole de cette époque d'un statut réel d'associé, il quitte « La Houssaie » en juillet 1937 pour prendre un poste de sous-directeur à la laiterie Lepetit de Falaise. Il cesse cette fonction en août 1938 pour s'installer 32, rue du Pont Neuf à Alençon où il vient d'acquérir une épicerie : "Aux Quatre Saisons"

Archives r-vautier-3nv

Dès 1939, avec le surplus de lait frais vendu dans l'épicerie, il commence à fabriquer du fromage blanc et des petits suisses sous la marque « L’alençonnais ». Cette appellation lui est contestée par un commerçant en confection qui vendait des vêtements sous ce nom. Il achète une petite remise, rue de la Sénatorerie, qui va lui servir d'entrepôt. En 1946, peu à peu il entre en possession des bâtiments contigus aux n° 30, 32 et 36 de la même rue et décide d’y créer une laiterie fromagerie.  Il achète chaque jour 200 litres de lait dans les fermes aux alentours d'Alençon.

En 1954 il négocie avec Robert Aubel épicier installé au 37, Grande Rue la reprise de sa marque de fromage frais « Printania ». Mais Robert Vautier prend finalement le parti de vendre ses petits suisses à 45% sous la marque « l'Alençonsanté ».  Il décide ensuite de fabriquer du camembert et pour ce faire il organise avec une camionnette deux tournées matinales (7h-8h 30 puis après 9h) pour la collecte quotidienne d'environ 1000 litres de lait  dans les communes voisines essentiellement dans la Sarthe (72) à  Ancinnes, Arconnay, Champfleur, Le Chevin, Saint Barthélemy, Saint Paterne, Saint Rigobert des Bois , et dans l'Orne (61) à Cerisé et Saint-Germain-du-Corbéis. L'essentiel du lait collecté sert à fabriquer des camemberts ainsi que du beurre, de la crème et des produits frais.

Les sous-produits permettent d'élever une centaine de porcs à Saint Germain du Corbéis dans une ancienne ferme au lieu-dit « la Belle vacherie ». Robert Vautier vend régulièrement ses cochons aux halles à Paris et ramène au retour des produits pour l'épicerie  tenue par sa femme.

Archives robert vautier 7nv

En 1957, il achète un pasteurisateur avec lequel il traite la totalité du lait récolté. Pour satisfaire la totalité de ses besoins, la laiterie Hutin de Condé sur Sarthe lui assure des livraisons complémentaires de lait.

En 1966-1967 Robert Vautier crée une nouvelle épicerie sous le label EGE dans les bâtiments d'un ancien garage rue Cazault.

Robert Vautier décide en 1968 de céder sa clientèle de fournisseurs de lait aux établissements Hutin de Condé sur Sarthe (61) et négocie la livraison quotidienne de 2000 litres de lait entier et 1600 litres de lait écrémé.  Par la suite la livraison quotidienne va augmenter pour atteindre 4000 litres.

Robert prend sa retraite en 1974 et cède ses activités à ses fils Paul (1938) et Bernard (1941). Le premier a travaillé avec son père dès ses 14 ans. Même s'il a fait un stage dans la fromagerie de La Blanche Hermine appartenant à Maurice Nazart à Fougères (35), il a appris le métier sur le tas. Son cadet a fait l'école de Mamirolle (25).

Orne-Vautier25nv Orne-Vautier24nv Orne-Vautier22nv

Orne-Vautier20nv Orne-Vautier28nv Orne-Vautier30nv

Ensemble ils fondent en 1974 la Laiterie Centrale d'Alençon à laquelle ils associent leur jeune frère Dominique électromécanicien chez Moulinex. Ils rachètent à la succession Meslay ingénieur agronome de Saint-Gauburge la marque de produits frais « LOUKA » qu'il distribuait sur Alençon et dont ils entendent privilégier dorénavant la fabrication.  360 camemberts, 2400 yaourts, 1200 petits suisses, 500 fromages blancs, 100litres de crème et 2000 litres de lait frais sortent quotidiennement des ateliers de la rue de la Sénatorerie. La production est vendue auprès des grands établissements locaux : prison, hôpitaux, cantines scolaires, hôtels mais aussi des épiceries. Chaque mardi et vendredi une tournée était effectuée pour assurer des livraisons dans la Sarthe , en même temps que celles des produits Négobeureuf et Besnier dont les tournées de distribution ne sont plus assurées. 

Aujourd'hui un tel processus de vente serait qualifié de circuit court et satisferait les « locavores ». Mais en cette fin des années 70, la tendance est à la fabrication et à la distribution de masse. L'installation d'une première grande surface commerciale en 1972, et les effets généraux de la « grande distribution » vont peu à peu malmener les activités de la société Louka. La faiblesse accrue des marges bénéficiaires et la perte de débouchés empêchent la jeune société de procéder aux travaux de modernisation et de mises aux normes qui s'imposent. En 1983 la dernière livraison est effectuée, le matériel vendu et les locaux de la rue de la Sénatorerie transformés pour accueillir un squash, des salles de gymnastique, activités qui commencent à être en vogue au début des années 80. La société LOUKA est dissoute en 1992 après avoir assuré jusque-là le négoce de produits laitiers frais.

Sources : entretien avec Paul Vautier 2016 et 2017.

Gérard Clouet [Camembert-Museum, le 09-07-2017]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 02/12/2021