Historique de la Laiterie Fromagerie de Cléry-le-Petit dans la Meuse (55)

 Meuse-1087nv (Slm-Clery 87)    Meuse-1092nv (SLM-Cléry 92)

Meuse-1018nv (Slm-Clery 18)  Meuse-1009nv (Slm-Clery 09) Meuse-1090nv (SLM-Cléry 90) Meuse-1094nv (SLM-Cléry 94)

La seule ancienne activité « industrielle » de Cléry-le-Petit (1) est un moulin sur l'Andon, affluent de la Meuse déjà cité pour Grand-Cléry et Aincreville. Ce moulin a fonctionné encore après la guerre 14-18, le dernier meunier étant M. Chauderlot. Aujourd'hui (2), il n'en reste que la maison qui sert de ferme; le moulin lui-même est démonté, supprimé. On aperçoit cette ferme sur notre cliché, en arrière du premier bâtiment (en partant de la gauche) de l'actuelle fromagerie FROMEST, bâtiment du réfectoire et des laboratoires, le seul qui soit sur la rive droite de l'Andon.
Cette fromagerie est devenue l'activité industrielle la plus importante du canton de Dun : elle emploie (en août 1962) un personnel de 283 travailleurs (dont 20 cadres) comprenant 179 hommes et 104 femmes.
La création de la première fromagerie de Cléry-le-Petit remonte à 1923. M. Henri Hutin en fut le fondateur dans des conditions assez difficiles. La région en effet avait souffert de la Grande Guerre : le cheptel laitier n'atteignait ni le nombre, ni le rendement d'aujourd'hui (2); d'autre part, de nombreux éleveurs traitaient encore eux-mêmes le lait de leurs étables pour disposer du petit lait et vendre le beurre. La collecte n'atteignait donc qu'une faible densité, ce qui la rendait plus onéreuse. La fabrication des premières années portait, en plus du beurre, sur des fromages à pâte molle; le Brie de Cléry-le-Petit était d'excellente qualité. Après M. Henri Hutin, fromager à Lacroix, la fromagerie fut quelque temps aux mains de son frère Paul, devenu, comme chacun sait, directeur du grand journal provincial l'Ouest-Eclair.
Dès 1928, la fromagerie de Cléry-le-Petit passe à la SOCIETE MAGGI qui la gardera jusqu'en 1948. « La Maggi de Petit Cléry » comme on dit alors, fournit une partie de son lait à la consommation, et continue la fabrication de la pâte de Brie; ses « camembert » portent la marque « Aux Armes De Dun ». Nous n'avons pas d'indications sur les quantités de cette époque, nous devrions dire de ces trois époques : avant, pendant et après la guerre de 1940.

Clery-lepetit9nv (vue aerienne)

En 1948, la Société Laitière Maggi cède la fromagerie de Cléry-le-Petit à la SOPAD (Société pour aliments diététiques), filiale de la SOCIETE NESTLE, qui l'exploitera jusqu'à fin 1949.
La fromagerie est vendue, en 1949, à la Société Fromagère de l'Est (FROMEST), filiale des Fromageries BEL, qui la prend en charge au début de 1950. Cette société entreprend alors la construction des bâtiments nouveaux dont notre cliché donne une vue d'ensemble. Par suite de difficultés dans l'achat et l ‘aménagement des terrains, la société a dû réaliser ses constructions en trois tranches distinctes :
Première tranche, année 1949-1950: constructions sur la rive droite de l'Andon (en bas et au milieu de notre photo).
Deuxième tranche, année 1951 : constructions du bâtiment comprenant principalement quais de déchargement, écrémeuses, pasteurisation, chaufferie et station de pompage de l'eau souterraine. Ce bâtiment longe l'Andon sur sa rive gauche, donc à droite de l'Andon sur notre cliché.
Troisième tranche, année 1952-53 : construction des bâtiments de fabrication des salines, salle de presse, cave, etc... Après ce rappel des origines de la Fromagerie de Cléry-le-Petit et la présentation des bâtiments, « Le Carillon » est heureux de pouvoir donner à ses lecteurs, grâce à l'obligeance de M. Poujol, directeur de cette importante industrie régionale, un aperçu du travail à la fois soigneux et compliqué qu'impose une laiterie moderne.
1°-Zone d'approvisionnement- Le lait collecté par l'usine pour son approvisionnement est ramassé dans un secteur dont les exploitations agricoles sont groupées dans 66 villages. Ce secteur s'étend de chaque côté de la Meuse sur un rayon de 25km. La superficie moyenne des exploitations est de 20 à 60ha, et le cheptel laitier de chacune, d'environ 15 à 30 vaches. La race est la Hollandaise pie-noire. L'effectif de la zone est d'environ 10 000 laitières pour un rendement moyen annuel de 2700 à 3000 litres par tête. 1100 producteurs amènent chaque jour leur lait aux camions de la société. Le prix du lait est fixé par voie interprofessionnelle entre la société et les producteurs et d'après un contrat valable plusieurs années.
2°-Collecte- L'usine de Cléry a collecté au cours de l'année 1961une quantité de 30 millions de litres de lait. Le litrage moyen journalier a été au maximum de 110.000 litres de lait, et au minimum de 60.000 litres. Le Ramassage du lait est effectué par 10 camions appartenant à la société, et pouvant transporter chacun 180 pots de 20 litres, soit 3600 litres de lait. Le passage des camions est quotidien (matin) l'hiver, et bi-quotidien (matin et soir) l'été. Le double ramassage de la période ayant pour but d'éviter au maximum le séjour du lait à la ferme pendant les chaleurs et d'amener en conséquence à l'usine un produit de la meilleure qualité possible. Chaque véhicule parcourt en moyenne 65 à 105 kilomètres l'hiver, et 125 à 220 kms l'été (double ramassage).
3°-Fabrication- Les quantités de lait traitées par l'usine sont très sensiblement supérieures au chiffre de la collecte dans la zone. Cela provient d'une part, des apports effectués à Cléry par l'usine des Fromageries Bel de Verdun, et, d'autre part, par les achats de lait, dits de complément, achats effectués près des Confrères de la Meuse et des Ardennes, en certaines périodes de l'année. C'est ainsi que le litrage traité par Cléry s'est élevé en 1961 à 45 millions de litres, soit une moyenne journalière annuelle supérieure à 120.000 litres avec un maximum de 160.000 litres par jour. A partir de ces quantités, l'usine a fabriqué les catégories de fromages suivants : Bondel (genre St-Paulin), Mimolette, Edam tendre, Edam dur et Galantine (tous quatre genre fromage de Hollande), pour un poids total de 4 millions de kilos.
4°-Quais- La réception des camions s'effectue à la cadence moyenne de un toutes les 15 minutes sur chacun des deux postes de déchargement, soit 6 camions à l'heure, compte tenu du décalage nécessaire aux manœuvres des camions et au nettoyage. Le déchargement a donc lieu sur deux postes; il est constitué par la vidange du lait et sa pesée à l'aide d'une bascule électrique de 500 kilos. Le rythme de lavage des pots est de 1000 pots à l'heure, soit l'équivalent de 20.000 litres de lait. Les différentes opérations effectuées par la machine à laver sont : l ‘égouttage, le prérinçage par eau froide sous pression, l'injection de solutions de lavage, eau chaude de rinçage, vapeurs, et, pour terminer, l'air chaud pour le séchage de la poterie. Le retour des bidons secs s'effectue sans déplacement du camion ayant amené le lait.
5°-Nettoyage du lait- Le lait est nettoyé par centrifugation à l'aide de 2 centrifugeurs Alfa-Laval, d'un débit de 10.000 l/h (dix mille litres à l'heure).
6°-Stockage- 8 tanks de 10.000 litres servent au stockage du lait. Ce stockage est une nécessité en raison, d'une part, du besoin d'une quantité « tampon » entre la réception et la fabrication du lait, dont les rythmes de travail sont légèrement différents, et d'autre part de l'obligation de stocker l'été, le lait ramené le soir étant travaillé le lendemain matin. Dans ce cas, le lait est refroidi pour assurer sa parfaite conservation. En outre, depuis août 1962, quatre nouveaux tanks de 20.000 litres sont en service, particulièrement pour stocker et conserver le lait collecté le dimanche et en reporter le travail sur les jours suivants.
7°- Circulation du lait- Tout le lait de l'usine circule à l'intérieur de tuyauteries en acier inoxydable, et dont le nettoyage chimique est assuré quotidiennement.
8°-Pasteurisation- Tout le lait traité à l'usine est pasteurisé. Pour cela l'usine dispose de : 4 pasteurisateurs à lait de 5000 litres heure chacun; 3 d'entre eux sont en service permanent, et assurent ainsi un débit de 15.000 l/h. qui est la cadence de toute l'usine. 4 normalisateurs de 5000l/h chacun pour ajustement de la matière grasse du lait de fabrication et en même temps un second nettoyage centrifuge à une température de 37°. Pasteurisateurs et écrémeuses sont synchronisés de façon à constituer 3 lignes de pasteurisation-normalisation en parallèle.
9°-Beurrerie- La beurrerie assure la réception et le traitement des crèmes laitières résultant de la standardisation du lait de fabrication du lait de fabrication. Mille tonnes de beurre (un million de kgs) ont été fabriquées par la beurrerie de Cléry en 1961, sous forme de beurre pasteurisé en plaquettes de 250 et 125 grammes.

CleryPetit-1nv (Ramasseurs lait)

10°- Fromagerie- Les opérations de fabrication sont assurées à l'aide du matériel suivant :
6 cuves Alfa-Laval du type Hollandais, d'une contenance de 5000 litres chacune, elles aussi en acier inoxydable, comme tout ce qui est au contact avec le lait dans l'usine. 2 bacs de moulage de 4000 litres. 80 presses pour parfaire la forme des fromages.
11°-Affinage- Après le salage des fromages, l'opération d'affinage s'effectue dans 3 caves isolées à température et à hygrométrie réglables. Les Bonbel sont frottés et retournés quotidiennement durant la durée de leur affinage qui varie de 12 à 20 jours. Les autres sortes de fromage ont un traitement différent, mais demandant toutes une main-d'œuvre importante et des soins constants..
12-Emballages-Expédition-- Les fromages sont conditionnés en vue de leur expédition par une chaîne d'emballage comprenant notamment : 2 machines automatiques à emballer et des agrafeuses. Le débit de la chaîne est de 3 tonnes à l'heure. Une deuxième chaîne d'emballage est à l'heure actuelle (2) au montage pour conditionner d'une façon spéciale les fromages à destination de l'étranger.
13°-Laboratoires- L'installation et l'équipement des laboratoires traduisent le souci de la société Fromagère de l'Est de ne rien négliger en ce qui concerne d'une part les contrôles de la matière première et des produits fabriqués, et d'autre part, les recherches permettant l'amélioration des techniques, et par voie de conséquence la qualité. 3 laboratoires sont à la disposition de l'usine : l'un, qui est spécialisé dans le contrôle laitier et qui effectue les analyses et épreuves en vue de déterminer la matière grasse et les qualités des laits livrés par les producteurs. Un second, spécialisé dans les travaux d'ordre chimique, tant pour les contrôles des fabrications que pour les recherches dans ce domaine; un troisième enfin qui assure également le contrôle des fabrications sur le plan bactériologique.
14°-Vapeurs- La production de vapeurs est obtenue par 3 chaudières multitubulaires fournissant 5à 8 tonnes de vapeur à l'heure. Le combustible utilisé est le charbon et les quantités consommées en 24h. Sont de l'ordre de 12 tonnes.
15°-Froid- Le froid nécessaire pour l'alimentation des caves et chambres froides de la beurrerie, pour la réfrigération du lait de la pasteurisation, est produit par 4 réseaux de compresseurs représentant un potentiel maximum de 350.000 frigories-heures. On aura une idée de l'importance des chambres frigorifiques de conservation et d'affinage si l'on sait par exemple que la « Mimolette » ne peut être achevée pour la consommation qu'un an environ après sa fabrication.
16°-Electricité- L'usine est alimentée en 15.000 volts et possède une puissance de transformation de 700 KWA. Trois groupes électrogènes de secours fonctionnent au fuel fournissant occasionnellement le courant en cas de panne de secteur. La puissance de ces appareils est de 400 KWA.
17°-Eau- la consommation journalière de l'usine s'arrondit à mille M3 d'eau. De ce million quotidien de litres d'eau la moitié est fournie par le service communal d'adduction d'eau de Cléry-le-Petit; les 500 autres M3 sont puisés par la station de pompage de l'usine dans une nappe souterraine. Deux forages de 28m de profondeur ont permis cet appoint nécessaire.
18°- Atelier de séchage du sérum- Le sérum issu de la fabrication du fromage est soigneusement récupéré, puis successivement écrémé, pasteurisé et enfin concentré dans un appareil à faisceaux tubulaires qui travaille sous vide et qui est capable d'évaporer 4.500k/h. le concentré du sérum ainsi obtenu est ensuite séché à l'aide de 2 séchoirs qui sont 2 appareils à cylindre surchauffés par injection de vapeur. Le broyage du produit sortant de cet appareil est assuré par un broyeur à marteau. La fabrication du lactosérum en poudre dans ces ateliers s'est élevée pour 1961 à 1500 tonnes.

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Photos Collection Privée Monsieur Claude Tardot.

Encore Quelques Précisions : Les bâtiments de la fromagerie ont été construits par l'entreprise Mazaud de Dun-Doulcon, selon les plans d'un architecte parisien, établis avec la collaboration des ingénieurs et techniciens des Fromageries Bel. Derrière les bâtiments de l'usine, on aperçoit une dépendance : les bâtiments qui longent trois côtés d'une cour carrée sont le garage de l'usine, garage pour les camions de transport du lait et pour les cars qui vont chercher les ouvriers. Grâce à la fromagerie, Cléry-le-Petit est un des rares villages qui ait aujourd'hui (2) le même chiffre de population qu'en 1850, date du chiffre le plus élevé de la population rurale. Les petites maisons blanches qu'on voit sur le cliché, au-delà de la voie ferrée stratégique vers Grandpré, derrière la route de Grand-Cléry, sont des habitations à loyer modéré qui logent du personnel de l'usine. Une autre partie du personnel a trouvé à se loger à Doulcon et Dun. Les 283 membres de ce personnel ne vivent dons pas tous sur place; Cléry-le-Petit au dernier recensement compte 184 habitants. C'est dire le bienfait pour la région d'une entreprise qui reçoit le « fleuve blanc » de 1100 producteurs nord-meusiens et qui procure pour sa transformation une occupation à près de 300 salariés.

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Médailles et Récompenses :

Médaille d’Or pour son Édam pasteurisé 40 %, Paris : 1951,
Médailles d’Or pour sa Mimolette étuvée pasteurisée 40 %, Paris : 1990,1998,1999,
Médaille d’Argent pour sa Tome pasteurisée 40 %, Paris : 1994,

(1) La dénomination Cléry-le-Petit est récente. C'est l'administration qui, pour la commodité des classements par ordre alphabétique, a rejeté l'adjectif derrière le nom propre, tout comme l'école et l'armée rejettent le prénom derrière le nom de famille. Le petit et le grand Cléry sont donc devenus officiellement vers 1920, Cléry-le-Petit et Cléry-le-Grand, de même que les deux Verneuil, près de Montmédy, et tant d'autres, tandis que des noms plus rares, moins sujets à confusion, subsistaient dans leur forme traditionnelle
(2) Année 1962.

TOUS NOS REMERCIEMENTS À M. CLAUDE TARDOT DE CLÉRY-LE-PETIT POUR CE DOCUMENT QUE NOUS REPRODUISONS INTÉGRALEMENT, ET QUI FUT PUBLIÉ EN 1962 PAR LES FROMAGERIES BEL, EN PRÉSENTATION DE LA SOCIÉTÉ FROMAGÈRE DE L'EST ET DE SON USINE DE CLÉRY-LE-PETIT.

TOUS NOS REMERCIEMENTS AUSSI À MONSIEUR BERNARD WAGNER POUR L'INTÉRÊT QU'IL MANIFESTE AU QUOTIDIEN À NOTRE PROJET.

Claude Tardot [Camembert-Museum, 1ère publication, 12-04-2011]

 

Date de dernière mise à jour : 17/02/2021