Laiterie de Leschelle (02)

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LAITERIE BEURRERIE COOPÉRATIVE DE LESCHELLE [AISNE 02]

La laiterie Coopérative de Leschelle, arrondissement de Vervins, parait être la première laiterie coopérative qui se soit créée en France, car elle remonte au 6 juin 1887. Son fondateur est le comte Caffarelli, tandis que celle de Chaillé, près de Surgères, en Charente-Maritime, la plus ancienne du groupe des Charentes et du Poitou, fondée par M. Eugène Biraud, ne date que du 13 janvier 1888. La laiterie de Leschelle a été constituée au capital de 60.000 francs, divisé en actions de 500 francs chacune ; ce capital ayant été insuffisant, la société a émis pour 40.000 francs d'obligations amortissables ne donnant à leurs porteurs aucun droit dans la répartition des bénéfices. La laiterie, outillée selon le système danois (Écrémeuses centrifuges Burmeister), fabrique du beurre et du fromage maigre. Le lait fourni par les sociétaires est payé d'après sa richesse appréciée au crémomètre. Le petit-lait est consommé par des porcs achetés ordinairement dans la Corrèze ou dans les Pyrénées et revendus gras au bout de trois mois.

La prospérité de la laiterie coopérative de Leschelle, dirigée depuis l'origine par M. Robillard, ne s'est pas démentie : elle peut être, considérée comme le type des laiteries coopératives de la région du Nord, qui sont, d'ailleurs, bien moins coopératives que celles de l'Ouest. La Société des Agriculteurs de France lui a décerné une grande médaille d'or pour reconnaître les services qu'elle a rendus à l'industrie laitière. M. Robillard a bien voulu nous communiquer quelques renseignements sur les résultats de l'exercice compris entre le 1er avril 1898 et le 31 mars 1899, l'un des meilleurs constatés depuis l'installation de la laiterie. La quantité de lait reçu et travaillé à l'usine pendant cette année a atteint 3.229.052 litres, qui ont été payés, en moyenne, 0,1041 francs le litre ; les prix extrêmes ont été de 0,0852 francs le litre, pour la première quinzaine de juin, et de 0,1546 francs, pour la première quinzaine d'octobre. Les sommes payées aux fournisseurs de lait se sont élevées, en bloc, à 336258,73 francs. Il a été fabriqué 135.828,425 kilos de beurre qui ont été vendus 364.901,05 francs. Prix moyen de 2,68 francs le kilogramme. Il est à remarquer que, contrairement aux habitudes des laiteries coopératives de l'Ouest, la laiterie de Leschelle n'expédie, pour ainsi dire, pas de beurre aux Halles de Paris. Presque toute sa production, soit 130.774 kilos sur 135.828 kilos est livrée à sa clientèle de province, maisons bourgeoises, épiciers et marchands de comestibles de la région du Nord, sociétés coopératives de consommation, etc. Ce système de vente lui assure de meilleurs prix, mais lui impose un très gros travail de correspondance et de comptabilité.

Sans la sécheresse de l'automne et la fièvre aphteuse, la laiterie aurait travaillée 4 millions de litres de lait pendant l'exercice 1898-1899. Il a fallu, en moyenne, 23,77 litres de lait pour obtenir un kilogramme de beurre. Les sous-produits de la fabrication du beurre ont été utilisés pour engraisser environ 1.000 porcs et faire environ 400 kilos de fromage mou par semaine. Indépendamment du gain réalisé sur la vente du beurre et du fromage, la porcherie a laissé un bénéfice net de 21.000 francs. Depuis sa fondation, c'est-à-dire depuis 1887, la laiterie coopérative de Leschelle a payé à ses actionnaires :

Intérêts des actions à 5 0/0 (33.000 francs), Remboursement d'obligations (29.500 francs), Dividendes. (33.400 francs) Soit un total de 95.000 francs. Elle possède, en outre :
Au compte de réserve. 12.001,87 francs. Au compte d'amortissement. 20.912,78 francs. Soit en tout 32.914,65 francs qui sont placés en banque.

Ces résultats, acquis en moins de 12 années, sont un témoignage des avantages considérables que la Coopération offre aux producteurs dans l'industrie laitière. Ils ne constituent pas, d'ailleurs, un exemple isolé, puisque, dans la région des Charentes et du Poitou, beaucoup de laiteries coopératives réussissent à amortir, en cinq ou six ans, leur capital d'installation par un simple prélèvement sur les bénéfices. La laiterie coopérative de Leschelle fait partie du « Syndicat des laiteries industrielles du Nord, de l'Aisne et des Ardennes », fondé en 1887 pour faciliter aux établissements syndiqués la vente des produits en commun et à prix
uniforme ; ce syndicat s'est récemment transformé, par suite des nécessités de la concurrence. (1)

02-Leschelle-4 (le logement) 02-Leschelle-5 (Atelier Fabrication)

En 1901, le nombre d’employés s’élevait à 9 personnes. Cette même année des modifications sont apportés aux statuts de la Société Anonyme de la laiterie de Leschelles avec sa prorogation pour une durée de 10 ans. (2) pendant la Grande Guerre de 1914-1918, l’activité va cesser, la laiterie étant occupée, bombardée et détruite avant d’être reconstruite en 1921. Elle servira de laiterie jusqu’à la fin des années 1950, et abritera ensuite exclusivement un élevage de porcs qui cessera son activité en 1980. Les locaux servent depuis de maison d’habitation.

Sources : (1) Bulletin Mensuel Musée Social, 1900-1901. (2) Archives Commerciales de France 25 mai 1901.

Serge Schéhadé [Camembert-Museum, le 21 mai 2021]


 

 

 

Date de dernière mise à jour : 21/05/2021