La Belle Epoque.
La Belle Époque que l'on situe des années 1895 à l'avènement de la Grande Guerre en 1914, fut une période de bouleversements technologiques sans précédent. Le cinéma, l'automobile, l'aéroplane, l'électricité, la TSF y ont fait leur apparition. Cette révolution industrielle transformera la vie de façon radicale. Apogée de cette période, l'Exposition Universelle inaugurée le 14 avril 1900 à Paris, consacrera pour le monde entier le rayonnement et le prestige de la France, tant sur le plan industriel qu'artistique.
Le terme de "Belle Époque" ne fut attribué qu'en 1919 en regard de ce que vivaient les Français après la Grande Guerre, c'était l'expression d'une époque révolue et regrettée. Cette période se confond avec l'Art Nouveau, appelé ailleurs Jugendstil, Sécession, Tiffany, Arts and Crafts, Nieuwe Kunst, Arte Joven, Stile Floreale, qui désigne un art tournant le dos à l'art classique, s'appuyant sur la fluidité des lignes, utilisant les courbes et les asymétries. Il exprime le rejet de l'académisme et du classicisme qui continuera pourtant à exister parallèlement, il porte un nouveau regard sur les arts et sur leur rôle social. Plusieurs influences seront à l'origine de ce renouveau, la période médiévale sera reconsidérée et remise à l'honneur, le néogothique fera son apparition, Eugène Viollet-Le-Duc en sera le chef de file. Avec d'autres, les frères Goncourt feront la promotion des arts d'Extrême-Orient, le "japonisme" sera mis à la mode. La nature deviendra source d'inspiration comme elle le fut pour les chapiteaux médiévaux, ou bien avant, les feuilles d'acanthe qui servirent de modèles pour les chapiteaux corinthiens de la Grèce Antique. L'observation des végétaux dans tous les stades de leur évolution se fera de façon systématique. En Allemagne, Karl Blossfeldt réalisera pour ses élèves des macro photographies servant de modèles à leurs travaux, en France, le peintre et affichiste suisse Eugène Grasset publiera un recueil de botanique appliquée à l'art. Désormais, beaucoup de motifs décoratifs s'inspireront directement des végétaux.
L'Art Nouveau s'est conçu comme un art total et absolu investissant toutes les expressions artistiques, architecture, sculpture, peinture bien sûr, mais aussi le vitrail, la céramique, le carrelage, le mobilier, le papier peint. Tous les objets du quotidien sont dessinés en harmonie avec une cohérence esthétique sans faille. Vases, tissus, bijoux, rien n'échappe à la vigilance de l'artiste, du plan initial d'architecture à la poignée de porte. La Maison Horta à Bruxelles en est certainement le plus bel exemple. Afin de se faire une idée des préoccupations de ces créateurs, évoquons Hector Guimard qui dessina jusqu'aux clous utilisés pour la construction de son Castel Béranger.
Pour répondre aux nouvelles exigences nées de cet art, les artisans tirèrent parti des matériaux comme le fer, le verre, la céramique qu'ils exploitèrent en véritables virtuoses.
L'influence de l'Art Nouveau né en Belgique et dans le nord de la France se fera sentir très vite sur le reste de l'Europe. Après Bruxelles, Nancy et Paris, Vienne, Barcelone, Glasgow puis Chicago verront s'épanouir des œuvres liées à cette nouvelle conception de l'art. Citons quelques artistes incontournables : Victor Horta, Hector Guimard, Antonio Gaudi, Otto Wagner, Josef Hoffman, Gustav Klimt, Henri Van de Velde, Paul Daum, Emile Gallé, René Lalique, Louis Majorelle, Charles Rennie Mackintosh, Louis Comfort Tiffany, Jules Chéret et Alfons Mucha. Les progrès de la lithographie aidant, les arts graphiques n'échappèrent pas à ce mouvement, la reliure, le papier peint et même la bande dessinée avec Little Nemo de l'américain Winsor Mc Cay y ont participé. L'illustration devint omniprésente dans la vie quotidienne ; les journaux, les livres, les calendriers, les almanachs, les cartes postales, les menus, les affiches diffusèrent des images qui désormais se collectionnèrent. Les hommes-sandwiches, les colonnes Morris, les panneaux d'affichage, les palissades, les kiosques à journaux multiplièrent à loisir cette frénésie d'images qui envahit la rue. Les étiquettes connurent la même excitation créative. Le dessin de certaines de nos étiquettes est directement influencé par des affichistes comme Jules Chéret ou Alfons Mucha, mais si l'un glorifia la Belle Epoque, l'autre se mit au service de l'Art Nouveau. L'époque et le style se confondent dans les quelques étiquettes réunies ici mais toutes possèdent de façon plus ou moins affirmée des spécificités de l'Art Nouveau et l'esprit de la Belle Epoque : présence d'ornements végétaux caractéristiques, dessins parfois cernés comme avait coutume de le faire Alfons Mucha (technique particulière du vitrail et de la céramique, procédé qu'il avait adopté), utilisation de typographies redessinées sans respecter les règles habituelles et ne se soumettant qu'à la fantaisie de leurs créateurs.
Série de trois étiquettes Art Nouveau, de la fromagerie Maurice Lanquetot à Saint-Martin de Bienfaite. Le fabuleux destin d'Emilie Mofras, une simple employée de laiterie, secondée par ses deux fils Charles et Maurice qui vont créer un petit empire industriel laitier. Les acquisitions se succèdent, la prospérité s'installe, on s'intéresse aux Arts, on se déplace souvent à Paris pour affaires, et les étiquettes aussi se doivent d'être belles, soignées et artistiques.
Ce véritable camembert extra-fin, et cette belle jeune femme que j'ai tendance à appeler Boucle d'Or, pour la circonstance, je vais la baptiser Boucle d'Or à la Belle Epoque. Cette marque fut déposée par la société de commissionnaires parisienne Hanf & Leu, 62 rue Greneta, à Paris, dans le 2ème arrodissement, le 25 mai 1914. Finesse des traits et du dessin, influence incontestable de l'Art Nouveau qui touche le plus grand nombre.
"À la Normande Fin de Siècle" Quand le choix du nom d'une marque résume à lui tout seul toute une époque. Les affaires de M.Godefroy Hyacinthe Désiré sont prospères. Il dépose la marque "A la Normande Fin de Siècle" le 29 septembre 1909 au Tribunal de commerce de Lisieux.
L'Art Nouveau gomma la distinction entre ce qu'il était convenu d'appeler Arts Majeurs et Arts Mineurs. En maîtrisant la création d'un bâtiment dans son ensemble et dans ses moindres détails, du plan initial à la poignée de porte, cet art, tout en déconsidérant les arts académiques, classiques et bourgeois, "art pompier" diront ses détracteurs, ne fut accessible qu'aux plus fortunés. C'est cette ambiguïté qui le mènera à sa perte. La bourgeoisie aisée, seule clientèle pouvant assumer de telle dépenses, sera aussi celle qui s'opposera le plus vigoureusement à ces innovations. Le Castel Béranger d'Hector Guimard ne fut-il pas appelé le Castel Dérangé! Cet art destiné à la diffusion, devenue possible grâce aux progrès nouvellement acquis, inquiéta cette même bourgeoisie jalouse de ses prérogatives. L'art pour tous fut vécu comme une atteinte à ses privilèges désormais délayés, ce socialisme effraya.
Déconsidéré par ceux-là mêmes qui pouvaient seuls y avoir accès, l'Art Nouveau fut bref et limité, contrairement à l'Art Déco qui lui a succédé. Né dans les années 20, abréviation de l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels, à Paris en 1925. L'Art Déco, tout en reprenant à son compte la démarche d'art total prit le contrepied de l'Art Nouveau ; si celui-ci était tout en courbes et en sinuosités, l'Art Déco revint à une rigueur toute classique. Il accompagna les Années Folles (1920/1929) et eut, contrairement aux vœux secrets de l'Art Nouveau, une influence et un retentissement mondial. [Michel Coudeyre]
Date de dernière mise à jour : 17/04/2021