Blondel Arthur, Fromagerie du Breuil-en-Auge (14)

Chateau breuil

BLONDEL ARTHUR, LAITERIE DU BREUIL-EN-AUGE. [LE BREUIL-EN-AUGE 14]

LE CHÂTEAU DU BREUIL : L’imposant château du Breuil-en-Auge, (voir ci-desssus) dans sa configuration actuelle a été édifié au cours de deux périodes: au 16ème siècle pour les deux tours en colombages et en tuileaux, une architecture typiquement normande, puis au 17ème siècle pour la partie centrale qui va relier les deux tours carrées, créant ce bel ensemble architectural. À cette époque des dépendances sont également construites, ainsi que l’orangerie et le moulin à blé. Les façades et toitures du château et de ses dépendances, la porte d'entrée et les douves ont été inscrites sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 9 septembre 1933.

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LES BÂTIMENTS DITS INDUSTRIELS : Le moulin à blé est attesté au 17e siècle. Il est reconstruit en 1836 par Chauvel, en même temps qu'une filature de lin. Ces deux établissements sont réglementés par ordonnance royale du 12 février 1838, révisée par arrêté préfectoral du 25 juin 1857. La filature est inactive vers 1920. Le moulin à blé est converti en filature de lin par Antoine Séraphin vers 1866, elle-même transformée en fromagerie vers 1900 par Blondel. Un atelier de scierie, aujourd'hui disparu, est attesté en 1918 par iconographie : il comprenait en 1920 quatre hangars industriels construits rive gauche du canal d'amenée du moulin. La fromagerie cesse son activité en 1925, au profit d'une chocolaterie établie par L. Schaal & Cie. Les bâtiments sont acquis en 1946 par les Frères Saffrey pour y installer une cidrerie-distillerie, exploitée après 1954 et jusqu'en 1982 par la société Bizouart. L'établissement a été acquis en 1987 par le groupe suisse Diwisa, spécialisé dans la production de spiritueux et d'eaux-de-vie de fruits. Moulin à blé équipé d'une roue hydraulique animant cinq paires de meules en 1838. Turbine hydraulique, générateur et chaudière de 4, 5 CV pour chauffage de l'eau et séchage, 14 métiers et 112 broches attestés en 1918. Deux appareils de distillation en place, provenant des établissements Prulho (Cognac). 85 ouvriers en 1844, dont 40 femmes et 15 enfants, environ 22 employés en 1995. (1) Parmi les ouvriers et le personnel de la fromagerie, nous avons identifiés les personnes suivantes : Martin Eugène, directeur de la laiterie, en 1921. Quéromain, comptable en 1921. Roullin Joseph, 27 ans en 1913. Capelin Ernest, 18 ans, aide-jardinier en 1913. René Mary, 16 ans, aide de scierie en 1919. Lemarchy (Mme) en 1920. Postel Théophile terrassier, en 1920. Chevreuil Charles, employé avant 1919. Chotard Jean, 45 ans en 1921 employé né à Campénéac (accusé de vol), Guéronnais, contremaître en 1920. Reynande Henriette, 25 ans en 1913, maîtresse fromagère, décédée suite à un accident du travail.

Arthur Gabriel François BLONDEL est né le 14 mars 1857 à Honfleur dans le Calvados. Il est le fils de Louis Blondel (1814-1881) et de Geneviève Angella Lemière (1838-1885). Marié le 17 août 1882 à Paris avec Jeanne Poincelin (1852-1902), Le couple donnera naissance à trois filles et un garçon. En 1891, Arthur Blondel est élu maire de sa commune. Il occupera ce poste jusqu'en 1925. En 1907, il se porte candidat à l’élection du Conseil Général du Calvados, en vue du remplacement de M. Paul Duchesne-Fournet décédé. L’élection est fixée au 20 janvier 1907. En 1895, dépôt de la marque  "Camembert Supérieur A. Blondel", illustration d’une fable de La Fontaine, le corbeau et le Renard, la marque est déposée le 02 décembre 1895, au greffe du Tribunal de commerce de Honfleur par M. Arthur Blondel, fabricant au Breuil-en-Auge. Le lait était ramassé dans les communes voisines. Parmi les fournisseurs on notera le nom de Monsieur Dupuy, propriétaire-cultivateur à la Croix-Sonnet (en 1922). Les autres marques sont "Le Triomphe" "À La Renommée du Bon Camembert" "Le Camembert du Domaine du Beuil-en-Auge", représentation très fidèle du Château du Breuil, "Camembert et Coulommiers double Crème" (voir visuels plus bas).

Blondel-10nv (Breuil en Auge) Blondel-60nv (Breuil-en-Auge) Blondel-75nv (Breuil en Auge) Blondel-85nv (Breuil en Auge) Blondel-90nv (Breuil en Auge)

Dans son livre "les Grandes Heures des Laitiers en Normandie entre les années 1850 et 1920.." Philippe Jacob affirme que la fromagerie du Breuil était parmi les premières à utiliser une boîte individuelle, fabriquée en bois de peuplier, pour l’expédition de ses fromages de camembert et coulommiers, profitant ainsi de l'esprit inventif de M. Georges Leroy (2). La famille Blondel est à cette époque le principal employeur de la commune.

DES ACCIDENTS ET DES DRAMES EN SÉRIE : 1913, UN EFFROYABLE ACCIDENT  Mlle Henriette Reynande, 25 ans, née à Ouville-la-Bien-Tournée, maîtresse fromagère à la fromagerie Blondel, à Breuil-en-Auge, a trouvé la mort dans un accident atroce. Voulant replacer une courroie de transmission en marche, dans la salle de lavage, la malheureuse eut un bras pris dans l’engrenage. Elle poussa un cri, puis fut enlevée et broyée avec la rapidité de la foudre. Le corps abominablement déchiré restait adhérent à l’arbre de transmission. La boîte crânienne roula sur le sol; la matière cérébrale gicla de tous côtés. Cette jeune fille était employée à la fromagerie depuis le 16 août 1912. Heureusement que de nos jours, la sécurité des employés est bien prise en compte dans nos usines. Juin 1916 - Une ouvrière de la fromagerie Blondel, au Breuil-en-Auge, Mme Guesnel, 22 ans, déchargeait des bidons de lait de sa voiture dans un wagon, à la gare. La machine ayant tamponné le wagon sur lequel elle avait un pied posé, la malheureuse tomba sur la voie et eut les deux jambes broyées. On a dû l'amputer d’une jambe, on espère pouvoir éviter la même opération pour l'autre. Mme Guesnel a eu son mari tué à la guerre.  1921-Un vol à la laiterie Blondel. M. Eugène Martin, directeur de la laiterie Blondel, au Breuil-en-Auge, et le comptable Quéromain, dont l'attention avait été éveillée par le déplacement d'un sac de farine d'orge, déposé dans un appartement où il n'aurait pas du être, se mirent en embuscade, toute une nuit. Au matin, vers 5 heures, ils aperçurent un employé de la laiterie, Jean Chotard, 45 ans, né à Campénéac (Morbihan), qui venait remettre ce sac contre espèces sonnantes et trébuchantes, à un cultivateur de Mannevjlle-le-Pipard, Auguste Guilbert. Chotard est condamné à trois mois et un jour de prison et 5 francs d'amende pour Ivresse. Guilbert à 3 mois de prison (sursis) et 100 francs d'amende. Défenseurs pour Chotard, M° Marlette et pour Guilbert, M° Braconnier. (Source Ouest-Eclair du 21 mars 1921)

LA SÉRIE CONTINUE... Cette fois c'est le propriétaire de la laiterie fromagerie et sa famille qui sont victimes d'un accident de la route. Le 29 avril 1924, "Par suite du mauvais fonctionnement des freins, une automobile dans laquelle se trouvaient M. Blondel, fromager au Breuil-en-Auge, et quelques membres de sa famille, est allée s'écraser sur une maison de la rue de Grâce à Honfleur. - Mme Hincelin, belle-sœur de Monsieur Blondel, a eu la carotide tranchée par un éclat de verre et est décédée. M. Blondel a été grièvement blessé au visage et sa fille, Mlle Gabrielle Blondel, a reçu de nombreuses contusions. Le chauffeur, pris sous la voiture, a un bras brisé.

SchaalCessation d'activité en 1925 qui pourrait peut-être s'xpliquer par l'âge avancé de M. Blondel (68 ans) et cette succession de malheurs qui touche les employés de son usine et ses proches. La laiterie fromagerie BLONDEL est reprise et devient la chocolaterie L. SCHAAL & CIE, plus connue sous le nom de Société Française des Chocolats et des Thés, fondée à Strasbourg en 1871 par M. Schaal, au coeur du quartier historique de la Petite France. (De très beaux chromos SCHAAL attendent les collectionneurs).

Mai 1936, les obsèques.de Monsieur Arthur Blondel sont célébrées, au Breuil-en-Auge, décédé à Trouville dans sa 80ème année. La presse locale rappelle que M. Arthur Blondel avait été pendant longtemps propriétaire d'une importante fromagerie, au Breuil et du château voisin, qu'il avait été maire de la commune pendant 35 ans, chevalier du Mérite Agricole et officier d'Académie.

Sources : (1) Inventaire Général du Patrimoine, rédacteur Yannick Lecherbonnier, 1992. (2) Philippe Jacob, Les Grandes Heures des Laitiers en Normandie, page 54.

Serge Schéhadé [Camembert-Museum, le 22 mars 2021]

 

Date de dernière mise à jour : 22/03/2021